Archives pour la catégorie Entreprises responsables

Etudiants futurs entrepreneurs: Eclosion 2.0

Teamfactory est une association à but non lucratif dédiée à la création d’entreprise par les jeunes et soutenue par la région Ile-de-France et des entreprises comme Solvay. Teamfactory a un style très « social entrepreneurs ». Un petit message de leur part, à destination des étudiants ayant une fibre entrepreneurs:

Vous êtes étudiants, en recherche de projet, en réflexion, en réorientation ? Venez expérimenter ECLOSION 2.0 ! Sur le thème « L’Initiative dans Ma Vie »

Nous organisons la 2ème édition d’un événement original, Eclosion 2.0, devenu le rendez-vous annuel de ceux qui s’interrogent sur l’entrepreneuriat et la création d’entreprise.

Encore une association qui a peut-être des projets informatiques que je pourrais accompagner en leur faisant bénéficier du wecena ?

Les intercontrats internes en DSI

Une SSII (Logica) recommande aux directions informatiques de reconnaître qu’entre 2 projets, leurs informaticiens se tournent un peu les pouces et que ce temps « d’intercontrat interne » doit être pris en compte dans le calcul (et la prévision) des coûts de l’informatique.

L’offre de mécénat de compétences en informatique de ma petite entreprise s’appuyant sur les temps d’inter-contrat en société de services en informatique, cela me fait forcément penser que, peut-être, un jour, les informaticiens des DSI pourraient transformer ces moments de tournage de pouces en coups de pouce pour des projets informatiques d’intérêt général.

D’un autre côté, il est déjà difficile pour certaines SSII d’admettre qu’elles ont de l’inter-contrat car un taux d’intercontrat trop élevé est un signe de mauvaise santé pour les analystes financiers (donc a une mauvaise influence sur le cours de l’action). Alors de là à faire admettre une chose similaire au DSI d’une grande entreprise, il y a un pas qu’on ne franchira peut-être pas tout de suite. Connaissez-vous un DSI prêt à admettre qu’il y a réellement de « l’intercontrat en interne » chez lui ?

Mécénat de compétences en informatique: marché d’avenir!

Une étude commanditée par l’Admical, l’association pour le développement du mécénat, le confirme: ma petite entreprise de mécénat de compétences en informatique est bien sur un marché en croissance. Quelques chiffres extraits de l’étude [Edit: avec mes commentaires sans italiques] :

  • 64% du mécénat est le fait du secteur des services, « mes » mécènes sont des sociétés de service en informatique,
  • 47% des mécènes ont une action dans le secteur de la solidarité, c’est dans ce secteur que sont la plupart des associations que je représente,
  • 45% des entreprises de plus de 200 salariés font du mécénat de compétences (vs. 31% dans l’étude précédente), mon offre est un dispositif de mécénat de compétences en informatique, pour sociétés de services en informatique

Parler malgré un handicap: l’exemple de Steria

Steria fait partie de ces SSII pionnières du mécénat. Via sa fondation, elle soutient des projets informatiques d’intérêt général sous la forme d’un soutien financier et aussi grâce à un « parrainage » bénévole d’un employé, encouragé par sa boîte. Un exemple de projet soutenu : un logiciel (open source bien sûr! mais dont je n’ai pas trouvé le site…) qui permet à des enfants handicapés moteurs de s’exprimer via une synthèse vocale et des pictogrammes.

Pour quoi faire du mécénat d’entreprise

En rapport avec mon projet d’entreprise, un petit article de La Croix qui présente ce qui pousse les entreprises à s’engager dans le mécénat d’entreprise (et celui-ci du Journal du net) : de moins en moins l’envie de « faire de la comm' » et de plus en plus l’envie de créer un sentiment de « fierté d’appartenance », notamment pour fidéliser les employés et donc faire des économies sur le recrutement de remplaçants. C’est aussi pourquoi, plutôt que de faire un chèque auprès d’une oeuvre caritative, les mécènes sont de plus en plus nombreux à offrir des prestations en nature, réalisées sur le terrain associatif par les employés. Ce qu’on appelle le mécénat de compétences.

Soit dit en passant, je n’aime pas l’utilisation du mot « appartenance » dans ce contexte de « fierté d’appartenance » (ni d’ailleurs dans le contexte « we own our customers », « we own the market », etc.). Mais bon… L’idée, par contre, correspond à ce que je rencontre chez les représentants d’entreprises mécènes à qui je présente des projets informatiques d’intérêt général : je commence souvent par voir un responsable de la comm mais, au final, rien n’avance si les responsables ressources humaines ne sont pas de la partie. Et parfois c’est bien un responsable recrutement ou un responsable « développement RH » (formation et recrutement) qui pousse le plus son entreprise à se lancer dans le mécénat.

Je m’amuse en constatant que le bout de gras « mécénat » n’a pas encore vraiment été disputé entre les directions des grandes entreprises : est-de la juridiction de la comm’ externe ? de la comm’ interne ? des RH ? du marketing ? de la présidence ? De multiples cultures du mécénat sont possibles et les pratiques sont encore balbutiantes et donc fluctuantes.

Les choses se compliquent encore lorsque c’est la pression du client qui amène l’entreprise à s’intéresser au mécénat (d’où l’intérêt de certains responsables marketing). En effet, je constate une sorte d’effet boule de neige vertueux lié à la popularité du concept de développement durable et de sa déclinaison « Responsabilité Sociale des Entreprises » (RSE) dans l’entreprise : ceci se manifeste par exemple par le fait que les acheteurs de grandes entreprises commencent à introduire des questionnaires « que faites-vous en matière de développement durable ? » dans leurs appels d’offres et autres sélections de fournisseur. C’est drôlement efficace pour amener un dirigeant d’entreprise à réaliser que le mécénat, ce n’est ni un joujou de président pour se faire plaisir, ni de la poudre aux yeux, mais aussi un gage de qualité / durabilité du point de vue de ses clients (ou du moins c’est perçu comme tel). Bref, les choses continuent à bouger dans le joli monde du mécénat d’entreprise et c’est tant mieux puisque c’est là-dessus que je mise.

Non aux agrégateurs de données personnelles

J’aime bien cette lettre ouverte de Philippe Coueignoux adressée à la Commission Européenne, au sujet du rachat de doubleclick par Google. Le message, sur le plan technique, est le suivant: la personnalisation de la publicité ne nécessite pas la collecte, la conservation, le transfert, bref l’agrégation de données personnelles. Pour que le consommateur bénéficie de pubs personnalisée, on peut faire autrement (et mieux) que créer des Big Brother façon Google + doubleclick.

Ah, si seulement certaines « tech’companies » (suivez mon regard) réussissaient à le comprendre… Il y a là un marché à prendre et pourtant, tout le monde essaie de suivre Google et d’avoir sa part du gâteau dans le Big Brothership… :-( Merci Philippe Coueignoux! Je ne sais pas ce que vaut son alternative à lui mais son point de vue vaut de l’or. Après l’essor du « green business » (produits verts), on connaîtra peut-être enfin celui du « privacy business »?

Mon nouveau projet

Christian et Etum l’ont bien senti. :-) Je me relance dans une nouvelle aventure: la création d’une entreprise sociale ayant pour vocation de créer des Innovations Internet d’Utilité Publique.

Il y a deux ans, j’avais tenté d’identifier qui, en France, pouvait être créateur d’Innovations Internet d’Utilité Publique. Je n’étais pas revenu bredouille de mon expédition… mais presque. Depuis deux ans, j’ai travaillé à créer de l’innovation Internet (et mobilité) à vocation commerciale (recherche en applications mobiles Web 2.0ish). Maintenant, je vais essayer d’ajouter l’ingrédient « utilité publique » ou « intérêt général » à la sauce et voir si ça prend sous forme d’une activité professionnelle (et commerciale).

Concrètement, j’ai quitté mon job depuis le mois dernier et je prépare mon projet. Ca s’est décidé vite: un plan social a été annoncé au printemps et l’un de mes collègues aux compétences proches des miennes était sur la sellette. Au même moment, j’avais mon idée et la promesse d’une petite cagnotte si je me portais volontaire pour monter dans la charrette à la place de ce collègue. Tout le monde s’est mis d’accord et hop.

J’ai commencé par acquérir quelques connaissances qui me manquaient (notamment dans le domaine juridique), à tester mon idée auprès de prospects, à mobiliser quelques fournisseurs et à concevoir un peu d’outillage logiciel. Mes premiers contacts commerciaux sont plutôt positifs mais rien n’est joué tant que rien n’est fait ou signé! Alors je reste prudent.

Dans mon projet, il y a plein d’ingrédients bons pour la santé: un gros paquet d’open source et de prestation de service informatique, un fond de citoyenneté d’entreprise et de politiques de développement durable, une sauce épicée à l’Economie de communion, peut-être une pincée de coopératisme et un maximum d’innovation sociale et d’intérêt général.

Mes gènes de paranoïaque me mettent un peu mal à l’aise pour tout vous raconter ici dès aujourd’hui dans la mesure où, enthousiasme et extraversion obligent, j’aimerais tout vous dire mais j’ai un peu peur qu’en en disant trop, on dévoie mon idée avant que j’ai eu le temps de dire ouf. C’est sans doute idiot. C’est d’autant plus idiot que je voudrais que mon idée soit reprise par d’autres! Mais je sais pas encore comment alors il faut que j’y pense encore un peu avant de tout déballer n’importe comment.

En attendant, je vous invite à rêver. J’ai un génie dans ma bouteille. Il peut réaliser vos innovations Internet d’utilité publiques les plus folles. Il suffit d’en faire le souhait en postant un commentaire ci-dessous. Quel usage, service ou technologie Internet devrait-on répandre à travers le monde pour rendre celui-ci meilleur, pour aider à résoudre certains problèmes de société? Quels sont les problèmes de sociétés les plus cruels et pour lesquels il n’existe pas (encore) de technologie Internet uniquement faute d’intérêt commercial évident? Qui sont les entrepreneurs sociaux qui pourraient démultiplier leur puissance de changement social si seulement on leur forgeait quelques bons outils modernes? Quel sujet de société vous tient le plus à coeur pour que mon génie y consacre un peu de sa magie?

InternetActu.net: La société transparente, utopie du 21e siècle ?

InternetActu nous rappelle, à l’occasion de la sortie d’un bouquin, l’utopie d’une société transparente, dans laquelle tout un chacun peut (et veut?) savoir tout de n’importe qui. A l’heure des Google Earth qui vous montrent en train de bronzer dans votre jardin (en attendant le temps « presque réel » et des résolutions encore plus fines) et du ciblage publicitaire individuel par les plate-formes comme Google pour la télé ou les téléphones, plusieurs scenarii de science-fiction explorent les enjeux sociétaux de l’accès aux informations personnelles. Une élite marchande disposera-t-elle de toutes ces données privées pour son propre usage et les consommateurs/citoyens accepteront-ils de les lui céder en échange de services gratuits (davantage de télévision, de jeux video, … en échange de publicité ciblée)? L’intimité deviendra-t-elle un produit de luxe, réservée aux consommateurs qui achèteront au prix fort la version premium de leur télévision, accès Internet, téléphone mobile, etc. ? Les consommateurs/citoyens/utilisateurs réagiront-ils de façon surprenante en rendant largement publiques leurs données privées (télé réalité, blogs, open source et creative commons…) ? Ou des régulations juridiques (CNIL & Co) et quelques scandales impliquant certaines multinationales maintiendront-ils un statu quo durable mais sous tension? Brrr… Et dire que mon boulot consiste à créer des technologies d’analyse de données dans le domaine de l’électronique grand public… Des fois, je me fais peur. J’attends avec impatience quelques bons livres et films de science-fiction qui démocratiseraient ces enjeux et futurs possibles pour permettre aux consommateurs d’exercer avec sagesse leur pouvoir d’achat.

Ethique et carrière: comment mieux gagner sa vie?

Comment mieux gagner sa vie? La réponse peut être quantitative (gagner plus de fric). Mais elle devient tout de suite plus intéressante si elle est qualitative: gagner sa vie en mettant ses compétences professionnelles en phase avec son éthique personnelle, par exemple.

Une fois par mois, nous accueillons à la maison 4 autres couples pour le plaisir de se retrouver et de discuter de sujets qui nous tiennent à coeur, tous plus ou moins relatifs à nos croyances chrétiennes (bien que nous ne soyons pas tous croyants). Le mois, prochain, c’est mon tour de jouer le rôle d’animateur. Si vous me connaissez un peu et/ou si vous lisez parfois ce blog, vous ne serez pas étonné/e du sujet de discussion que j’ai proposé: comment utiliser au mieux nos compétences et environnements professionnels pour rendre le monde un peu meilleur? de nouveaux choix de vie professionnelle s’offrent-ils à nous? comment faire ces choix en couple ou en famille? Pour préparer la discussion, je propose aux participants de se familiariser un peu avec quelques uns des concepts relatifs à l’intersection entre éthique et économies. Voici les principaux concepts et ce qu’en disent des médias et sites d’obédience chrétienne.

L’éthique comme moyen

L’éthique, en entreprise, est parfois perçue comme un moyen. Un moyen de communiquer et de rassurer l’actionnaire ou les pouvoirs publics. Un moyen de limiter les risques de scandales en introduisant de nouvelles régulations ou modes de gestion dans l’entreprise. Un moyen de rendre l’entreprise meilleure? Voici les principaux concepts utilisés dans cet ordre d’idée.

L’éthique comme finalité

Pour certaines entreprises, l’éthique va plus loin et constitue le fondement de l’activité de l’entreprise (au moins historiquement). Des motivations d’ordre éthique sont à l’origine du projet de l’entreprise. L’entreprise devient un moyen de « faire le bien ».

L’éthique comme marché

Certaines valeurs morales ont une valeur commerciale. On peut vendre (souvent plus cher) un produit porteur d’une certaine éthique. Plusieurs marchés sont concernés.

Petit jeu

Maintenant, voici un petit jeu que nous ferons lors de cette soirée (sautez ce paragraphe si vous êtes l’un des participants!). Auquel des concepts ci-dessus correspond chacune des formulations suivantes:

  1. « Nous aidons des pauvres à sortir de la misère en leur prêtant de petites sommes d’argent qu’ils investissent dans leur activité professionnelle et nous remboursent par la suite avec intérêts. »
  2. « Nous apportons au monde entier un petit changement positif en nous appuyant sur l’efficacité et la puissance de l’entreprise pour le propager. »
  3. « Nous employons des personnes en situation d’exclusion pour leur permettre de retrouver une place dans le monde professionnel. »
  4. « Nous expérimentons des modèles économiques alternatifs au système économique libéral et capitaliste. »
  5. « Nous exploitons les ressources agricoles en limitant au mieux notre impact sur l’environnement. »
  6. « Nous faisons en sorte que nos dirigeants ne puissent pas abuser de leur pouvoir pour leurs propres intérêts. »
  7. « Nous garantissons le respect des droits et de la dignité de nos employés et de ceux de nos fournisseurs. »
  8. « Nous garantissons que l’argent que vous épargnez ne sera pas prêté à des entreprises ayant des activités que votre morale réprouve. »
  9. « Nous garantissons que vous voyagerez sans nuire à l’environnement. »
  10. « Nous héritons d’une tradition qui promeut dans l’entreprise des valeurs telles que la démocratie, l’équité et le partage entre nos membres. »
  11. « Nous investissons votre épargne dans des projets économiques solidaires. »
  12. « Nous mettons en place des outils de gestion et de management qui limitent les risque qu’un scandale ne nous mette en péril. »
  13. « Nous nous efforçons de faire plus d’argent sur le long terme en améliorant nos relations avec nos prochains (employés, fournisseurs, clients, actionnaires, pouvoirs publics, ONGs, …) et en préservant l’environnement. »
  14. « Nous offrons nos services pour le bénéfice de tous les membres de la collectivité et sous la tutelle de leurs représentants. »
  15. « Nous reversons aux producteurs (plutôt qu’aux intermédiaires de distribution) une part plus juste de notre prix de vente. »
  16. « Nous reversons une juste part du prix de votre voyage aux populations locales. »
  17. « Nous reversons une partie des intérêts de l’argent que vous épargnez à des causes auxquelles vous adhérez. »
  18. « Nous soutenons par des moyens visibles les causes les plus proches des valeurs que nous mettons en avant. »
  19. « Nous veillons à ce que votre épargne rapporte de l’argent sans nuire à l’environnement ni aux populations et travailleurs. »
  20. « Nous vivons grâce à notre entreprise le témoignage évangélique d’unité dans l’amour de notre prochain : client, fournisseur, actionnaire, employé, dirigeant, voisin, … »
  21. « Nous vous proposons un voyage qui sera pour vous une rencontre avec les populations locales, bénéficiera justement à celles-ci et ne nuira pas à l’environnement. »

Questions ouvertes

Voici les questions que je soumettrai à votre réflexion. Pour ceux qui viennent à la maison, ce sera notre discussion de la soirée. Pour ceux qui lisent ce blog mais ne seront pas chez moi, vous pouvez partager vos points de vue en laissant un commentaire à la fin de cet article!

  1. Pour chacun des concepts ci-dessus, de manière spontanée, diriez-vous
    • j’y crois ou bien j’y crois pas
    • je me sens concerné (mon entreprise en parle?) ou bien c’est pas pour moi
    • je vois un lien avec mes croyances, ma spiritualité, ma foi ou bien je n’en vois pas d’évident (cela n’a pas grand-chose à voir)
  2. En tant que professionnel, avez-vous déjà eu l’occasion de chercher à
    • gagner plus d’argent
    • faire bien (mieux) votre métier (qualité, performance)
    • faire le bien auprès de relations professionnelles
    • apporter des changements dans votre métier pour le rendre plus en phase avec votre éthique
    • faire des choix de carrière fortement guidés par votre éthique, vos valeurs
  3. Quand? Pourquoi? Comment avez-vous fait? Que s’est-il passé?
  4. Dans vos choix de vie, votre projet de couple et de famille, quelle place faites-vous pour les deux raisonnements suivants:
    • Mes plus proches prochains, c’est ma famille. Ma priorité est donc de gagner suffisamment ma vie pour assurer leur sécurité, leur confort et leur liberté de choix.
    • Mes talents les plus précieux, ce sont mes compétences professionnelles. Ma priorité est donc de mettre mes compétences professionnelles en oeuvre pour rendre le monde un peu meilleur.
  5. Comment gérez-vous ces priorités? Dans votre couple, quels sont vos points de vue respectifs sur la question? Vos divergences et points d’accord?

Si le temps le permet, nous essaierons de faire une petite séance de créativité (brain storming) pour inventer de nouvelles manières de répondre à la question: « Comment mieux gagner notre vie? » Si vous ne pouvez pas venir à la maison, vos suggestions sont les bienvenues en commentaires de cet article également!

Missions solidaires pour prestas en intercontrat

Christian, Bader, Jef et Jjay m’ont donné quelques pistes pour améliorer mon idée: comment convaincre des sociétés informatiques de s’investir dans des projets technologiques à vocation solidaire? Merci à tous les 4!
Un gros risque, c’est que ce genre de choses « terminent à la comm' » comme l’indique Christian. Les SSII n’ont probablement « aucune velléité de changer le monde », en tout cas, ce n’est pas leur vocation. Leur préoccupation évidente semble être « le profit court terme ». Mais pourquoi les SSII n’emploient-elles pas leurs prestataires en inter-contrat à des projets profitables pour elles à plus long terme (projets internes, contribution open source, …) plutôt que de les laisser moisir dans un coin le temps qu’un commercial arrive à les recaser chez un client? D’une boîte à l’autre et d’une personne à l’autre, l’inter-contrat est vécu plus ou moins bien, avec des situations parfois cocasses. En tout cas, l’intercontrat est une source de problèmes pour les SSII et pour leurs employés.

D’un autre côté, il y a peut-être des leviers accessibles pour faire changer cette situation et, du même coup, répondre aux besoins technologiques des innovateurs sociaux.

La notion d’entrepreuriat social, ou d’ethique est très à la mode chez toutes les entreprises qui ont une médiocre image de ce côté là (ça inclue banques et SSII amha).

Que faire? Voici vos suggestions:

faire que les CLIENTS des SSII soient attentifs à ces démarches (dans leur processus de décision ), et comme par hasard tout se débloque

[Peut-être créer des] jeux-projets-concours [:] sélection des meilleurs projets et financement + aide logistique, ça peut marcher.

[De toute façon,] les idées ne peuvent pas venir de l’intérieur [et il faut que la solution permette d’] identifier une retombée financière à quelques mois

Ce n’est pas les SSII qu’il faut convaincre mais d’abord ceux qui travaille dans ces entreprises (de préférence d’une taille respectable à mon avis). S’ils sont motivés ils peuvent faire bouger leur management et toi tu peux les aider à trouver les arguments pour cela.

J’ai envie d’extraire de ces suggestions quelques éléments pour un cahier des charges : la solution doit…

  • apporter une carotte économique pour la SSII, du profit à court terme, peut-être en impliquant certains clients
  • s’appuyer à fond sur la motivation des employés, exploiter celle-ci par des formes d’animation adéquates
  • être économique viable (entreprise sociale, donc entreprise également)

Et si on achetait les prestataires en inter-contrats à leur SSII à un pourcentage symbolique de leur tarif journalier habituel? Cela fournirait l’incitation économique à leur SSII: « Du moment que je sais que je peux disposer de cet intercontrat dès que je le veux pour le mettre chez en client, pourquoi ne pas le vendre à 1% de son prix habituel à un client ‘entreprise sociale’. Si, en plus, ça redore un peu l’image de marque de la boîte et que ça motive certains employés, c’est ça de gagné en plus! »?

Et si ce montant symbolique était réuni par les employés motivés pour participer à l’opération et changer le monde à leur échelle? Pour 10 à 20 employés en mission (selon les périodes et les sociétés), il y en a, disons, 1 en intercontrat. Avec un abonnement/cotisation de quelques dizaines ou centaines d’euros par an et par personne, on réunit le montant nécessaire pour financer une mission solidaire. « Aujourd’hui, je suis chez un client. Mais demain, ça pourrait être moi en intercontrat. Alors, comme j’aimerais bien que certains de mes collègues et moi puissions avoir un véritable impact sur l’environnement/les plus pauvres/la démocratie/le développement des pays du Sud/la priorité de mon choix grâce à ce que l’on sait faire le mieux (la techno), j’achète avec eux le droit de participer à une telle mission lors de mon prochain intercontrat ».

Cette solution consisterait donc à créer un fournisseur de missions solidaires pour prestataires en intercontrat. Les clients sont des prestas qui veulent profiter d’un futur intercontrat pour essayer de changer le monde à leur échelle (plutôt que de se faire chier à éviter les patates et à traîner dans l’agence ou au siège). Les produits sont des missions à forte qualité sociale/environnementale pilotées par des pros du secteur, des gens de terrain qui peuvent vite faire sentir au presta les problèmes sociaux/environnementaux ou autres à traiter. Les autres fournisseurs, ce sont des SSII qui voient d’un bon oeil l’idée d’arrondir leurs fins de mois en vendant certains intercontrats sur un second marché, ultra-discount.

Comment répondre aux questions que ce genre de proposition pourrait soulever? Qu’est-ce qui donnerait suffisamment envie et confiance à un presta pour qu’il achète à l’avance, avec des collègues, son droit de participer à une mission technologique solidaire sur le terrain de son choix? Cette idée a sans doute un côté complètement délirant, mais qu’est-ce qu’on pourrait en faire de bien et d’un peu plus près de la réalité? Qu’est-ce que cela vous inspire? A votre tour!

Recherche informatique à vocation sociale

J’ai une idée un peu fumeuse de projet qui me trotte dans la tête et j’aimerais bien avoir vos conseils pour la rendre un peu plus réaliste. Il s’agit de proposer à des sociétés de « haute technologie » en informatique (SSII, éditeurs, constructeurs) d’investir quelques ressources (prestataires en inter-contrat, cotisation, …) dans des projets d’innovation technologique et sociale menés conjointement avec des chercheurs et des responsables d’associations reconnues dans leur secteur (action sociale, environnement, humanitaire, handicap, seniors…). Quels moyens pourraient exister pour rendre ce genre de chose attractives pour des SSII par exemple? Qu’est-ce qui pourrait leur donner envie de s’investir dans des projets de recherche informatique à vocation philantropique? Des projets qui visent à « changer le monde » à très grande échelle mais sur des points très spécialisés par le biais des TIC.

Par exemple, j’ai pensé à divers bénéfices possibles qu’une SSII pourrait tirer de ce genre d’action. Mais j’ai du mal à identifier lesquels pourraient avoir le plus de valeur aux yeux de dirigeants de ce genre de boîtes.

  • retombées médiatiques et amélioration qualitative de l’image de marque de la boîte en s’associant à des « grandes marques » du social (Croix-Rouge, Restos du Coeur, ATD, …), de l’environnement (WWF, Greenpeace, fondation Ushuaïa, …) ou de l’humanitaire (Croix-Rouge, médecins du monde, …)?
  • retombées médiatiques et accroissement quantitatif de la notoriété publique de la boîte ?
  • fidélisation des salariés: réduction du turn over, motivation « par les valeurs » de la société ?
  • facilitation du recrutement des jeunes diplômés ?
  • facilitation des relations avec les parties prenantes externes (syndicats, pouvoirs publics, certains actionnaires…) ?
  • formation à la communication interpersonnelle, acquisition par les salariés de « savoir-êtres » sur le terrain, au contact de populations en difficultés (milieux populaires, handicaps, seniors, …) ?
  • acquisition par les salariés de compétences techniques nouvelles au contact de chercheurs de pointe également impliqués dans ces projets (centres de recherche universitaire, recherche privée du genre Google Labs ou autres) ?
  • facilitation des relations avec certains clients (clients du secteur public: Etat, collectivités territoriales ou clients de l’économie sociale: mutuelles, coopératives, associations, fondations) ?
  • satisfaction personnelle des dirigeants de la boîte (philantropie) ?
  • autre idée de bénéfice pour la société?

Je sais que vous êtes nombreux à évoluer professionnellement avec moi dans le secteur de l’informatique, alors vos avis (même candides) me seraient précieux. Lesquels des points ci-dessus vous paraissent les plus prometteurs pour convaincre des dirigeants d’entreprises high-tech de se lancer dans ce genre d’aventure? Des suggestions? Qu’est-ce que vous en pensez?

Etumnamboa veut financer les mini-entrepreneurs sociaux africains

J’ai eu le plaisir de déjeuner cette semaine avec Etumnamboa (c’est son pseudo: « celui qui est loin du pays »). Nous avons parlé de son projet: créer une société de capital risque dédiée au financement des mini-entreprises sociales de l’Afrique noire francophone. Etum connaît bien son affaire: Camerounais, il a fait une bonne partie de ses études supérieures en informatique en Afrique. Il s’est ensuite lancé dans l’entreprenariat, toujours en Afrique, avec une activité de services autour des nouvelles technologies. Après quelques années, grâce à la revente de sa société, il a pu se payer des études d’ingénieur informaticien en France. Aujourd’hui, il rejoint à Paris l’un des leaders mondiaux de l’informatique pour y développer de nouveaux marchés. Ca, c’est un début de parcours qui force l’admiration !

Mais ce n’est pas tout. Ce qui semble le démanger, c’est de partager et d’aider. Alors, bien sûr, il aide comme il peut: il envoie un container d’ordinateurs recyclés en Afrique, il s’engage dans quelques actions d’aide communautaire comme le font nombre d’africains établis en France. Mais ça ne lui suffit pas! Quelques copains restés au pays lui soumettent un problème intéressant: pour développer leurs propres boîtes, connaîtrait-il une solution qui leur permette de trouver des actionnaires pour des montants de l’ordre de 1 000 ou 2 000 euros par exemple? Et c’est la que naît la nouvelle idée d’Etumnamboa: lancer une activité de capital risque pour développer en Afrique des mini-entreprises à forte fibre sociale et environnementale.

En effet, il existe des solutions pour obtenir des « gros » financements: fondations pour l’entreprenariat social, organismes internationaux, … Mais aller les démarcher coûte du temps et de l’argent et représente une certaine prise de risque (risque de ne rien obtenir malgré les efforts consentis). Et lorsqu’il s’agit de développer des dizaines, des centaines, des milliers ou plus de PMEs à forte croissance en Afrique, les circuits de demande de subvention privée ne semblent pas constituer une solution qui permette de passer à grande échelle. Inutile même de penser à l’argent de l’Etat ou des collectivités locales: la corruption semble omniprésente. Et les banques « ne prêtent qu’aux riches », à ceux qui sont capables de fournir des garanties à la hauteur des prêts consentis. Bref, il y a des solutions pour emprunter beaucoup lorsque l’on est déjà un entrepreneur établi ou prêt à explorer les circuits des donateurs philantropes. Mais rien de très satisfaisant pour une foule immense de mini-entreprises à forte croissance.

D’un autre côté, il y a un grand nombre d’organismes de micro-crédit qui se sont développés en Afrique (« banque des pauvres » sur le modèle de la Grameen Bank). Ces banques prêtent à des micro-entrepreneurs, quelques dizaines d’euros maximum, par exemple pour acheter une charette de manière à vendre des cacahuètes sur le bord de la route. Le micro-crédit permet à une foultitude de micro-entrepreneurs de retrousser leurs manches pour sortir de la misère. Sous la pression sociale d’un petit groupe de co-emprunteurs, ils remboursent ensuite avec les intérêts et ainsi se développe le micro-crédit. Mais là encore, l’offre de financement ne correspond pas aux besoins des mini-entrepreneurs. Un représentant d’un organisme de micro-crédit a répondu à Etum que leur coeur de métier, c’est la sortie de la misère, pas l’amorçage ou le développement des entreprises à forte croissance. Les montants dont ont besoin les mini-entrepreneurs excèdent les plafonds du micro-crédit.

D’où l’idée d’Etum: couvrir les besoins de financement des mini-entrepreneurs et ce par la seule voie qui lui semble faire sens: dans une démarche fortement ancrée dans la philosophie du développement durable. Investir 2000 euros dans une PME high-tech et contrôler que cet argent est employé sagement: en ancrant le développement de l’entreprise dans celui de sa communauté de clients, fournisseurs et partenaires, et dans celui de son environnement. Exemple cité par Etum: un réseau de cybercafés qui offrent de l’accompagnement parascolaire à des enfants en se finançant par le paiement des minutes de communication en ligne. Pourquoi pas?

Cette idée étant donnée, il lui reste un tas de problèmes à résoudre. Voici quelques unes des problématiques que nous avons évoquées ensemble. Dites-nous ce que vous en pensez SVP!

Où trouver l’argent? Les grandes multinationales du Nord, établies en Afrique, déclarent comprendre l’intérêt du développement durable. Etum peut leur offrir les moyens d’investir dans les communautés locales par le biais des entrepreneurs qui pourront, à long terme, contribuer à faire émerger des classes moyennes de consommateurs susceptibles de représenter autant de marchés nouveaux pour les multinationales. En France ou aux USA, des entrepreneurs à succès cherchent les bonnes occasions de rentabiliser les cagnottes qu’ils se sont constitués tout en privilégiant le sens dans leurs investissements. Les eco-business-angels en sont un exemple intéressant.

Comment sortir du capital des mini-entrepreneurs? Le capital risque fonctionne de la manière suivante (à ce que j’en sais). Le financeur reçoit des centaines de dossiers de projets de développement. Il en sélectionne par exemple 10: ceux qui sont les plus susceptibles de lui rapporter 10 fois sa mise de départ en 2 ou 3 seulement. Sur ces 10 projets, 3 vont échouer, c’est la faillite. 6 vont se développer à petite vitesse, vont vivoter un certain temps et constitueront donc un échec pour le capital risqueur: impossible de rentabiliser de manière explosive sa mise de départ. Enfin, on espère pour le financeur que l’un des projets sur les dix va connaître un succès fulgurant: un futur eBay, Google ou Amazon ? Pour rentabiliser son investissement, il lui faut alors revendre les parts qu’il possède dans le capital social de la société. Cette vente peut se faire à l’occasion d’une entrée en bourse (les investisseurs en bourse achètent des actions de la société) et c’est le pactole pour l’investisseur qui revend ses parts plus de 10 fois leur prix d’origine. Cette vente peut également se faire si la société est rachetée par un Microsoft, un IBM, ou autre géant qui cherche du sang neuf (ou des concurrents à tuer dans l’oeuf). Qu’est-ce que tout cela donne pour des mini-entrepreneurs Africains ? Sans doute des choses assez différentes. On s’attendrait peu à voir une PME ayant fait un premier tour de table à 2 000 euros entrer au NASDAQ. C’est plutôt du 2 millions d’euros en levée de fonds d’amorçage dont il s’agirait pour un candidat à l’entrée en Bourse dans les pays du Nord. Quel est le fonctionnement du marché du financement des mini-entreprises Africaines ? Je n’en ai aucune idée… Mais Etum semble confiant.

Le capital risque peut-il se marier avec le développement durable ? Si 9 projets sur 10 ne permettent pas au financeur de toucher le pactole, je me demande ce qu’ils deviennent ? Ils ne représentent plus une promesse de gain important pour le capital risqueur. L’entrepreneur jette-t-il l’éponge ? Sont-ils jetés à la poubelle par le financeur ? Quel gâchis ce serait… Pour ceux qui n’ont pas encore atteint le point mort de leur développement, j’imagine que la tentation doit être grande, pour le financeur, de les liquider pour minimiser ses pertes. Y a-t-il un gaspillage d’énergie pour tous ceux qui ont reçu du capital risque mais qui n’ont pas tenu leurs promesses de croissance exponentielle ? Peut-on faire mieux et plus durable ?

Comment développer cette activité ? Etum a un peu d’épargne personnelle. Il veut commencer par mettre son argent là où vont ses idées: auprès de quelques mini-entrepreneurs bien choisis. Il peut commencer à développer cette activité de manière bénévole, modeste et visant une rentabilité rapide mais faible. Cela plairait à Dave Pollard, apôtre de l’entreprise naturelle. Mais en prenant 2 000 euros de parts sociales d’une mini-entreprise, il faut quand-même attendre 2 ou 3 ans pour avoir une chance sur 10 de les voir se transformer en plus de 20 000 euros. Un peu lent comme plan de développement ? Ou suffisament sage quand on est visionnaire et que l’on cible sur le long terme ? On raconte toujours que Muhammad Yunus a commencé par prêter quelques dizaines de dollars à des femmes micro-entrepreneurs qu’il avait été rencontrer. Et cela a donné au final une banque de taille mondiale. Et entre les deux, comment on fait ?

Où trouver des partenaires ? Heureusement pour nous et pour son projet, Etum pense que la meilleur manière de faire avancer son idée, c’est de la partager. Plutôt que de veiller jalousement à sa confidentialité, il veut la partager, l’enrichir et trouver des partenaires pour faire mûrir son projet et l’ancrer dans la réalité. Qui aller voir ? Je pense tout d’abord aux Carrefours des Possibles de la Fondation Internet Nouvelle Génération: l’occasion idéale de présenter son projet à un parterre de partenaires potentiels dont un grand nombre déjà sensibilisés aux problématiques de l’économie sociale. A la FING, le carnet d’adresses sans fond de Denis (denis.pansu [ at ] fing.org) lui donnera peut-être accès à des connaisseurs du sujet « tiers secteur » et économie sociale. Est-ce que Benoît (benoit.dumolin [ at ] mediacteurs.net), expert de l’innovation sociale et ayant une certaine expérience du terrain africain n’aurait pas de bons conseils à partager ? Etant donnée l’importance des mini-entreprises de haute technologie dans son projet et le côté « un pied en Afrique, un pied en région parisienne » de celui-ci, je me demande aussi si des gens de Scientipôle Initiative ne pourraient pas également être de bon conseil ? Sinon, il serait sans doute judicieux de rencontrer des gens de chez Ashoka France. Et ce qui pourrait permettre de développer son projet plus vite qu’en y injectant de son épargne personnelle, ce serait peut-être de se faire connaître auprès du président du club des eco-business angels, non? Et les Cigales, est-ce un concept exportable à l’Afrique noire francophone? Quelles autres pistes explorer?

Comment rentabiliser le choix de l’entreprenariat social? Pour Etum, ce projet n’a de sens que si il s’adresse à des mini-entrepreneurs qui font le choix de regarder au-délà de la rentabilité économique, qui sont prêts à miser le développement de leur gagne-pain sur celui du développement local de leurs communautés de clients, fournisseurs, employés, partenaires et/ou sur celui d’une exploitation raisonnée de leur environnement. Mais tout cela coûte un surplus d’effort, d’attention et donc de temps et d’argent. Si un marché du financement des mini-entrepreneurs africains existe vraiment, comment résister à de nouveaux concurrents qui ne se soucieraient pas du développement durable, qui ne prendraient pas le temps de contrôler comment les entrepreneurs exploitent leurs communautés et leur environnement, qui, du coup, auraient des structures de coût plus attractives et pourraient donc afficher des ambitions économiques plus compétitives ? Un atout pour Etum, c’est l’avantage de résilience qu’offre le développement durable. Si l’on prend l’exemple des entrepreneurs de l’économie de communion, ils affirment que le surplus d’attention (et d’amour) qu’ils consacrent à leurs employés et partenaires est largement rentabilisé par la capacité ainsi accrue de leur entreprise à résister aux crises économiques. Ainsi, cette banque rurale des Philippes qui se classait 700ème (si je me souviens bien) sur son marché s’est-elle retrouvée sur le podium des plus grosses lorsqu’une crise financière asiatique fut passée par-là. Alors que, comme ses concurrents, elle ne pouvait plus payer ses employés et rendre leur argent à ses clients, elle a résisté. Les employés, fortement attachés à leur entreprise, ont accepté de travailler pour rien. Les clients, bien qu’inquiets de perdre toute leur épargne, se sont résignés à attendre la fin de la crise: ce que leur banque faisait pour eux allait bien au-délà des services financiers (formation, aide sociale sous toutes formes, …). De même, comme me le rappelle Etum puisque que nous l’avons lu dans 80 hommes pour changer le monde, cette directrice d’un atelier de confection népalais qui était surprise par ses employés: alors que l’entreprise allait à la faillite, les employés ont activement soutenu leur entreprise qui, du coup, a résisté là où d’autres auraient échoués. De belles histoires que tout cela? Oui. Mais, dit-on, des histoires vraies. Alors, comment rentabiliser le choix de l’entreprenariat sociale et du développement durable comme politique d’investissement? En misant sur le fait que la société de capital risque pourra plus solidement se sortir de tous les pièges où l’économie Africaine pourrait l’entraîner. Qui veut parier?

Peut-être Etum pourra-t-il corriger/compléter cet article si besoin. Et surtout, peut-être pourrez-vous donner votre point de vue sur ce projet ?

Capital risque pour entreprenariat social

Etumnamboa lit ce blog. Et il cherche des infos sur les offres de type « capital risque » pour les entrepreneurs sociaux. Peut-être avez-vous des infos qui pourraient l’aider dans sa recherche? Des bons tuyaux à partager? Avec son accord, je publie ici notre échange (par mail interposés). Donnez-lui (donnez-nous!) des conseils en laissant un commentaire à la fin de cet article!

Etumnamboa a écrit :

Je suis tombé sur votre blog ce matin en cherchant de l’information sur l’entreprenariat social. Je vois que vous avez bien planché sur le sujet, je suis entrain de travailler sur son adaptation à l’Afrique. Est-ce que vous avez de la documentation ou des liens à me conseiller?

Je lui ai répondu:

Il me semble que ce concept est beaucoup plus développé en Afrique qu’en France. Car les fondations qui financent sous cette étiquette l’utilisent comme une alternative à l’aide au développement traditionnelle.
Ceci dit, je n’ai pas de référence Afrique qui me viennent à l’esprit.
Si j’avais à faire une recherche sur le sujet, j’irais voir les endroits « habituels »: Ashoka, fondation Schwab, fondation Skoll. Il y a en particulier sur ces sites des « success stories » d’entrepreneurs sociaux en Afrique:

Il m’a répondu à son tour:

J’ai effectivement fait le tour de ces divers sites et je viens de terminer l’excellent ouvrage « 80 hommes pour changer le monde », je pensais que vous aviez des études et autres documents qui me seraient passés sous le nez.

Moi:

Désolé, je ne crois pas avoir grand-chose en main. Ou plutôt, j’ai publié sur mon blog à peu près tout ce que j’ai lu sur le sujet.

Lui:

C’est plus une approche Capital risque pour entrepreneur social qui m’intéresse, si vous avez des ressources je suis preneur.

Moi:

Ca me fait penser qu’il y a peut-être des choses bien à prendre du côté des offres de financement alternatif comme les CIGALES par exemple. Du côté financement public, il y a maintenant l’AVISE qui essaie aussi de faire des choses. Pour certains entrepreneurs sociaux français, il y a aussi l’ADIE. Pour l’Afrique, un bon partenaire pour mettre des choses en place, c’est peut-être le Crédit Mutuel? Sinon, il y a certainement des solutions de micro-financement en place. Mais ce n’est pas forcément adapté à de l’entreprenariat social à forte croissance/gros financement, si c’est ce que tu cherches.

Lui:

En passant je vis dans l’hexagone.

Moi:

Du côté de la région parisienne? Si oui, on pourrait se voir pour déjeuner ensemble un de ces 4, dans le Sud ou l’Ouest de la RP.

Fabriquer le futur

La semaine dernière, j’ai entraperçu le futur en train de se fabriquer dans un restau chinois de Massy. En effet, j’ai eu le plaisir de déjeuner avec Eric Seulliet, l’auteur du livre « Fabriquer le Futur ». Nous avons parlé ensemble innovation ascendante, innovation open source, do-it-yourself innovation ou mouvement Pro/Am (pour Professionals/Amateurs), selon le terme que l’on emploie, pour des concepts qui se recouvrent plus ou moins bien. Réflexions en vrac, suite à ce déjeuner:

De la place de la créativité dans l’innovation privée:

En fait, quelques jours après qu’Eric Seulliet a pris contact avec moi, j’ai reçu un mail du service documentaire de notre centre de recherche qui m’informait que son bouquin venait d’arriver chez nous, à la demande d’un collègue. Je vais voir le collègue: « un peu trop loin de mon quotidien pour moi, je cherchais plutôt un bouquin sur ‘comment rendre mes équipes plus créatives' », me dit-il en me le passant. C’est vrai que le premier chapitre est très académique: la place de l’imaginaire dans l’innovation. Dans le service R&D où je travaille, dans une grosse boîte high-tech privée, la place de l’imaginaire est curieuse: elle est à la fois inexistante officiellement (on n’y fait jamais référence, ça ne fait ni sérieux, ni gérable) et omniprésente (références permanentes à l’idée que l’on se fait de la concurrence, aux success stories de l’Internet et aux images du futur que l’on se renvoie de labo en labo à travers nos projets). L’imaginaire est implicite ici-bas. On osera parle plutôt parler de créativité (en termes de… combien de propositions de brevets as-tu produites cette année?) sans référence explicite à ce qui la sous-tend: imaginaire, croyances…

Pour revenir au bouquin, j’ai bien aimé un témoignage du troisième chapitre, sur lequel a plus particulièrement travaillé Eric Seulliet. Il s’agit de l’interview d’un consultant qui explique que la difficulté pour les entreprises innovantes n’est pas de manager la technologie nouvelle mais de manager la personnalité de ses créatifs. J’ai bien rigolé en lisant ça, en pensant à des réflexions de certains anciens collègues: « tu es parfois ingérable… », « un peu difficile à contrôler… ». Amusant quand on entend tant d’entreprises clamer qu’elles cherchent des « intrapreneurs » capable de prendre des initiatives. Là aussi, il y a un imaginaire (« les entreprises modernes aiment les créatifs ») et une réalité qui n’est pas forcément en phase (« zut alors, comment bien gérer des preneurs d’initiative? »). Il n’y a qu’à voir les processus de recrutement d’informaticiens: on recrute des clones pour profiter d’armées de clones à faire du SAP et du J2EE, pas des créateurs de technologie et encore moins des créateurs d’innovation. Dur, dur, de ne pas se retrouver dans un « métier à la con » comme me le fait remarquer un contributeur à ce blog.

De l’innovation open source et du développement durable

En déjeunant ensemble, j’ai pu observé un phénomène étrange: les gens qui aiment l’innovation ascendante aiment généralement le développement durable et peut-être vice-versa. C’est une généralité un peu bête mais, en première approximation, qui m’a l’air assez vraie. L’une des raisons pour lesquelles Eric Seulliet m’a rencontré, c’est que je prétends parfois m’intéresser au « développement durable », à l' »associatif », à l' »économie sociale »… « tu devrais faire dans l’humanitaire » me dit-on parfois pour me taquiner. Le directeur telecoms de la multinationale industrielle dans laquelle je bossais jusqu’à l’an dernier ne m’avait-il pas dit lui-même « linux, c’est bon pour les lanceurs de pavé des sommets altermondialistes ». Il est parti à la retraite, depuis… Et l’open source envahit l’entreprise.

Plus sérieusement, pourquoi y a-t-il une corrélation entre open source et altruisme? Innovation ascendante et développement durable, c’est le rendez-vous des rêveurs et des utopistes? Ou bien c’est quelque chose qui peut s’ancrer dans la réalité et nourrir des entreprises et des emplois? Pour faire plus sérieux, plus économique et efficace, ne devrait-on pas au moins essayer de gérer prudemment cette corrélation ou moins de rester humble et d’éviter d’en parler trop? Pas mal d’acteurs économiques de l’open source (sociétés de services autour des logiciels libres) prennent leur distance vis-à-vis des idéologies libertaires ou au moins altruistes que semblent véhiculer les communautés open source. Moi-même, j’ai du mal avec le côté nanar (anarchiste) même si je suis très attaché aux valeurs de partage et de don… Alors quoi? un modèle économique peut-il être en soi porteur de valeurs morales? L’éthique et l’économique ça va ensemble? J’aimerais bien répondre oui. Tant qu’on en est au discours et à la théorie, pas de problème. Mais quand on en arrive à se poser la question « comment faire du développement durable à grande échelle (avec du profit et des moyens financiers) avec de l’innovation ascendante? » il est plus dur de trouver des réponses concrètes. Et quand on rêve à convaincre une multinationale de la possibilité de faire du business avec de l’open source et dans une optique d’entreprenariat social ou de développement durable, on retombe facilement dans l’utopie ou la quête chevaleresque…

De l’odeur et du goût du futur

Dans une grosse boîte privée innovante, pour obtenir des budgets de recherche, l’odeur et le goût d’un projet ont leur importance. En effet, pour obtenir un financement spécial, il faut convaincre que le projet présenté a l’odeur de l’argent et le moins possible le goût du risque. Pas assez profitable ou un tout petit trop risqué et ce n’est pas un projet qui sera retenu. Etant donné qu’on ne peut parfois pas faire grand chose aux aspects risques, il faut souvent que « ça pue le fric ». D’où l’intérêt des machines à retransmettre les odeurs à travers l’Internet (cf. France Telecom par exemple): vous branchez le bidule sur votre PC, vous affichez le descriptif d’un bon projet de R&D et, hop, vous sentez une bonne odeur de blé et d’oseille envahir votre bureau… OK. Le problème, c’est que tout ce qui sent le fric n’est pas profitable. Et l’imaginaire des nez des grandes entreprises est empreint de subjectivité: dur d’anticiper le profit. Morale de l’histoire: on ne peut financer que ce qui pue tellement le fric qu’on ne peut plus se boucher les narines. Je caricature pour le plaisir, certes. Mais tout de même, quelle place pour le développement durable dans tout ça? Le credo du développement durable, c’est de dire que le profit sera triple: pas seulement économique mais également environnemental et social. Alors pour favoriser le financement privé de projet teintés D.D., il faudra sans doute d’abord éduquer le nez et l’imaginaire des entreprises. C’est quoi un projet qui pue le triple profit du DD? Vous sauriez anticiper la profitabilité de tels projets? Pas facile…
Quant au financement de l’innovation open source/innovation ascendante, là il me manque encore des clefs et il faut que je finisse de lire le bouquin de Philippe Aigrain, Cause Commune, pour espérer imaginer de bonnes réponses.

French telecom operator pays employees to work for non-profits

SFR is the #2 telecom operator in France (subsidiary of Vodafone and Vivendi Universal). They announced yesterday that they would allow 50 additional employees every year to spend from 6 to 11 paid days per year working for a non-profit organization. These days are paid and managed as usual working days. SFR limited the authorized non-profits to those working in the fields of childhood protection and people with disabilities. SFR employees have a strong demand for such a program and a jury will have to select the yearly 50 « citizen-employees » based on the quality of their project.

For sure, this must be great news for altruistic SFR employees. But I’d like to make a suggestion to SFR to make this operation even more effective: why aren’t you focusing on your core business and competencies instead of diverting your efforts toward childhood and disabilities topics? I’m quite sure SFR employees could come with substantial socially-savvy innovations in the field of telecommunications if they were challenged to do so. Social entrepreneurship (entrepreneuriat social in French) combines altruistic aspirations with senseful business innovations. In the field of telecommunications, the best example for such activities is probably the Grameen Village Phone (see also here) or, to a lesser extent Alcatel’s Digital Bridge. Many other examples exist in social hightech. Social entrepreneurship projects may be riskier than usual innovation projects corporations sometimes carry. But this citizen-employee kind of operation would be ideal for managing the risks of social entrepreneurship project while contributing to the corporate social responsability of SFR, giving it a nice media coverage and still giving birth to economically viable businesses.

The so-French tradition of tightly containing « charities » away from business sometimes drives me nuts. Take the best of both worlds, please!

Anyway, hurrah for this nice SFR marketing and HR operation! If only my employer did the same thing, I would probably be on the field trying to connect some unconnected families, researching some disruptive knowledge technologies applied to local development (such as social networking software for residential areas), developping semantic web technologies applied to corporate social responsability reports or so.

Connecting romanian gypsies

Jean-Pierre is member of a French NGO dedicated to extreme poverty in France. He works closely with some nomad gypsy families who live in poverty near Paris. He sometimes brings them his laptop, a digital camera, a printer and an Internet connection and made some experiments with Skype and other software. They enjoy getting some news about Romania through online newspapers and websites. The young father of one of these families told Jean-Pierre how cool it would be if computing allowed him to get some recent pictures from his 5 years-old son who stayed in Romania. It has been 2 years since he last saw him. Another person is trying to get in touch with their mother who suffers from some disease in Romania.

When I read that on Jean-Pierre’s blog, I started trying to identify some Romanian volunteer who would visit that remote family with a digital camera, take some pictures and send them back to Jean-Pierre’s laptop via the Internet. I wrote a blog entry for this. I asked a Romanian colleague in the company I was working for at the time. I also sent a couple of emails to some Romanian IT services companies which offer offshore consulting services to French customers. Unsuccessfully.

Some time ago, a French guy in Bucharest contacted me in order to volunteer. Unfortunately, he was not located near the Romanian area where these families are, as Jean-Pierre explained us. So he could not help.

I don’t know much things about these families in Romania. As far as I know, they are in the area called Mehedinti, near the city of Girla Mare. I assume they are gypsies. Another Romanian colleague told me a bit more about this area. It is a very poor rural area with small mountains (up to 1000m high) near the Romanian border with Bulgaria, Serbia and Montenegro. He told me that the Romanian government had been saying for years that no such extremely poor and excluded gypsies exist in the country (until the European Union required from them that they recognize the importance of their minorities). From what I saw about gypsy families in the Czech Republic, I imagine that they live far from any town or village, without any sort of infrastructure. Maybe the road that leads to their place has no asphalt. Maybe they are in the middle of a forest, in some muddy place (Dilbert’s Elbonia anyone?). Maybe they live in a giant soviet-like sinister building in the forest where broken windows have never been replaced (this is the reason why they might be interested in linux BTW). They probably don’t have electricity nor any phone line. They most probably live on the fringe of society as their French cousins do in some way. I wonder how far such a picture is from reality. I hope I would be wrong.

Anyway, as I joined a new company, I investigated our presence in Romania still in search for some would-be volunteer. Our corporate directory randomly gave me the coordinates of one of our employees in Bucharest. I sent him an email like I would be sending a bottle into the sea. How surprised I am by his answer!

He tells me that he asked all of his colleagues about what we can do. One of them knows someone in this rural area. This local person is the head of a mountaineering club. He tells us that he is very enthusiastic about helping there. At the same time, my employer might be motivated by the idea of connecting some unconnected families in such a rural area and may support such an initiative. Or I am once again too naive. Anyway I am now investigating this opportunity internally. I also have to answer this mountaineer and try to understand a little bit more his motivations and expectations. I have to get sure that he does not think this would bring him any money because this is so far from what I am interested in.

Que penser de l’entrepreneuriat social ?

Le « social entrepreneurship » (entrepreneuriat social/entreprenariat social) est un concept d’origine anglo-saxonne qui a bien du mal à prendre racine en France. L’idée est d’utiliser les forces du marché pour rendre le monde meilleur, de créer des entreprises lucratives dont l’activité économique a été conçue de manière à résoudre une problématique sociale voire humanitaire. Faire de l’entreprise un outil pour changer le monde. Sympa, non ?

L’exemple le plus connu est celui des entreprises de microcrédit, à l’image de la Grameen Bank de Mohamed Yunus, pionnier en la matière depuis les années 1970. La Grameen Bank s’est développée en offrant des prêts de quelques dollars à des paysans du Bangladesh pour qu’ils investissent dans une charette pour vendre à meilleur prix leurs légumes au marché du gros village voisin plutôt que d’être coincé dans leur petit bled où les « bons clients » ne se rendent pas. (Excusez le raccourci un peu caricatural !) Jusqu’alors, les banques refusaient de gérer des prêts aussi petits (trop de coûts administratifs) et des emprunteurs aussi peu fiables (comment gérer le risque de non-remboursement). Aujourd’hui, l’entreprenariat social est bien loin de se limiter aux activités bancaires en milieu rural mais touche tous les secteurs économiques, de la santé aux télécommunications en passant par l’énergie et le traitement de l’eau. De nombreux sites, livres et podcasts témoignent de l’aventure des entrepreneurs sociaux.

Le principe économique de base qui permet ce genre d’activités me semble être celui des innovations de rupture visant des non-consommateurs. Telle que présentée par Clayton Christensen, le principe est le suivant. Sur un marché donné, il y a des barrières à l’entrée pour les consommateurs : le produit est trop compliqué à consommer, le prix d’entrée de gamme est trop élevée pour le pouvoir d’achat, etc. Un innovateur introduit un nouveau produit qui lève cette barrière à l’entrée. Il propose par exemple une offre « à bas coût » qui repose par exemple sur une forte informatisation des process administratifs sous-jacents. Ce faisant, il permet à des (ex-) non-consommateurs d’accéder à ce marché. Il élargit donc considérablement celui-ci et vient concurrencer « par le bas » les sociétés déjà établies sur ce marché. Celles-ci rechignent souvent à lutter contre cette nouvelle concurrence car elle se font plus de marge sur le haut de gamme (auprès de leurs « bons clients »). Ce faisant, elles laissent se développer l’innovateur sans s’en préoccuper outre mesure. Pourtant, c’est bien souvent ce genre d’innovation qui peut ensuite conquérir l’ensemble du marché en question. Elle accule alors les offreurs classiques dans un haut de gamme dont la qualité dépasse déjà largement les attentes du marché alors que le produit innovant a progressé au point d’être « sufisamment bon » pour la plus grosse part de ce marché (« le mieux est l’ennemi du bien »).

Plus simplement, comme me le résumait le dirigeant d’un cabinet de conseil humaniste (ou était-ce le dirigeant humaniste d’un cabinet de conseil ?), il s’agirait de vendre à des pauvres des petits pois à l’unité plutôt qu’en boîte de 1 kg. Il y a un peu de ça. Et il est vrai qu’un livre de référence sur le sujet s’intitule « The Fortune at the Bottom of the Pyramid« . L’idée est que notre société est une pyramide à la base de laquelle vit une très large masse de personnes n’ayant qu’un pouvoir d’achat extrêmement faible mais dont la masse totale représente une source de revenus non négligeable pour les entreprises.

Alors, que faut-il penser de cela ? S’agit-il :

  • d’un alibi cynique pour une nouvelle forme de consommation de masse ?
  • d’un concept « à l’américaine » qui n’a pas de validité en Europe ?
  • d’une forme d’entreprenariat réservée aux pays du Tiers Monde ?
  • d’un phénomène économique récurrent que l’on veut faire passer pour une révolution de nos sociétés ?
  • d’un non-phénomène capturé par des journalistes en mal d’effet de mode ?
  • d’une nouvelle manière de profiter de la pauvreté sous couvert d’oeuvre caritative ?
  • d’un levier capitaliste pour changer le monde (en mieux) là où les utopies politiques ont échoué ?

Il y a sans doute un peu de tout cela, mais un peu seulement.

De mon point de vue, il s’agit d’un phénomène économique connu (les innovations ouvrant de nouveaux marchés de consommation de masse) mais qui prend un caractère nouveau lorsqu’il atteint des populations extrêmement nombreuses et extrêmement pauvres. Ce phénomène est alors exploité par des pionniers humanistes qui profitent des forces du marché pour satisfaire leurs idéaux de changement social (ce qui me semble une chose extrêmement bonne !).

Les choses deviendront peut-être plus discutables lorsque l’ère des pionniers sera dépassée et que « les grandes entreprises » seront les premières à investir sur « la vente de petits pois à l’unité ». Elles se présenteront sans doute alors comme motivées par la même volonté de changement humaniste et cette motivation sera justement mise en doute. Mais ce sera sans doute très bien d’en être arrivés là car cela signifiera que le monde économique a dans l’idée que « les pauvres » ont de la valeur… ne serait-ce que dans leur petit portefeuille ! Et vaut-il mieux manger un petit pois vendu à l’unité par une multinationale ou bien mourir de faim car la boîte de petit pois est hors de prix ?

Bref, ce que j’en retiens, c’est que celui qui veut rendre le monde meilleur dispose d’un moyen efficace pour le faire : innover « par le bas » et entreprendre pour vendre à bas coût des produits et services aux plus pauvres qui n’y avaient jusque là pas accès. Bien sûr, l’entrepreneur social peut aller encore plus loin. Il peut par exemple adopter les principes de l’économie de communion pour rendre son entreprise plus résiliente, plus résistante aux crises économiques car ancrée dans une forte solidarité avec ses clients, fournisseurs, employés et investisseurs.

Et chez nous ? La première question qui me vient à l’esprit c’est que, en France, nous n’avons peut-être pas assez de pauvres pour que l’entreprenariat social soit encore vraiment rentable. (Ceux d’entre vous qui n’avaient pas encore vomi en lisant les paragraphes ci-dessus s’y sont peut-être mis ou bien se contentent de s’arracher les cheveux en lisant la phrase précédente. Vous me direz. Mais bon, franchement, si ce n’est pas cela…) Ou peut-être est-ce plutôt notre déficit d’esprit entreprenarial ? Ou le « retard français » en matière de nouvelles technologies ? Ou les effets de Tchernobyl ?… Ou parce que le chapitre français d’Ashoka n’a pas fini de lever son budget d’1,5 millions d’Euros pour identifier les entrepreneurs sociaux français ? La vaste majorité des entrepreneurs sociaux cités en exemple par les fondations et auteurs spécialisés viennent des pays du tiers monde. Certes, il y a bien quelques entrepreneurs sociaux américains… Mais rien en Europe de l’Ouest. Et peut-on encore parler d’entreprenariat social lorsqu’il s’agit simplement d’appliquer au monde associatif un mode de gestion issu de l’entreprise, à la manière du management associatif moderne ?

Qu’en pensez-vous ? Séduits par le concept ? Méfiants ? Enthousiastes ? Critiques ?

A la recherche des Innovations Internet d’Utilité Publique

Cet été, j’ai exploré avec plusieurs d’entre vous la jungle de l’innovation, de l’Internet et des projets d’utilité publique. A l’intersection de ces trois domaines, mon expédition visait à identifier des innovations Internet répondant à des enjeux d’utilité publique.

Intersection de 3 secteurs

Avant de vous raconter cette expérience et de vous inviter à la poursuivre via ce blog, laissez-moi vous dresser le tableau avec quelques définitions préalables :

  • Innovation : cf. qu’est-ce que l’innovation ? pour ma compréhension du sujet ; l’innovation relève pour moi d’une démarche de recherche entreprenariale.
  • Internet : pas de doute, on sait ce que c’est ; mais pour être plus précis, mon intérêt est centré sur les technologies de gestion/traitement des connaissances issues de l’Internet (web sémantique, data mining, personnalisation, technologies pour le knowledge management) et les technologies Internet de mise en relation (social software), bref partout où il y a du lien, de la complexité et des réseaux relationnels (entre concepts, personnes, objets)
  • Enjeux d’utilité publique, intérêt général : le champ est large et couvre aussi bien le monde associatif, le secteur public et l’économie sociale que des services Internet dont on aurait aujourd’hui du mal à se passer (Google est-il devenu un service d’utilité publique ?) ; mon intérêt est plus particulièrement centré sur le développement local.

Cet été, j’ai donc profité de quelques semaines de mes vacances pour explorer cette terra incognita, avec certaines questions en tête. Peut-on profiter des techniques issues de l’Internet pour changer de manière durable (innover) la société (utilité publique) ? Qui en parle et qui en fait ? Que faire (en tant que bénévole ou professionnel) pour contribuer à de telles innovations ? De rencontre en recontre, les questions se sont accumulées : les « innovations Internet d’utilité publique » (IIUP pour les intimes), est-ce que ça existe vraiment ? IIUP = OVNI ? qu’est-ce que c’est précisément ? On trouve assez facilement des exemples d’IIUP relevant de bricolages bénévoles de haute qualité mais cantonnés au monde du bénévolat et de l’amateurisme à petite échelle ; peut-on faire de l’innovation Internet d’utilité publique à grande échelle et avec des moyens vraiment conséquents ?

Voici donc le récit de nos rencontres (je change vos prénoms par anonymat de politesse…).

Chez un gros éditeur logiciel américain, Benoît, directeur commercial a la gentillesse de me recevoir. C’est l’un de mes anciens fournisseurs, avec qui je garde un bon contact. Bon, franchement, les IIUPs, ça le laisse un peu sec. Mais pour lui, pas de doute, il faut regarder du côté de l’Agence pour le Développement de l’Administration Electronique afin de repérer des projets innovants de grande ampleur. La Feuille d’impôt via Internet change-t-elle la société ? Mmm… Benoît m’avoue que, franchement, lui ne se voit que comme un vendeur de plomberie. A la limite, ce pourrait être ses clients qui pourraient faire des choses innovantes avec les logiciels qu’il leur vend. Il pense que l’un de ses collègues pourra peut-être me donner des pistes plus précises car il vend pas mal auprès du secteur public.

La jungle semble bien inextricable dans la région du commerce informatique professionnel : de la techno, certes mais peu ou pas d’innovation et, comme on peut s’y attendre, une absence totale d’utilité publique. Je dois mieux cibler mon approche.

Jean-Louis, vieux loup de l’associatif et du développement local et directeur d’un cabinet de conseil en conduite du changement, me reçoit avec sa générosité habituelle et m’invite dans sa brasserie préférée. Miam. Ma démarche le déconcerte peut-être un peu mais qu’à cela ne tienne, il m’accorde une attention toute perspicace. Il me parle des tentatives d’une grosse ONG française pour approcher les grandes entreprises sur des projets de type IIUP. Il me parle aussi du projet Digital Bridge d’Alcatel. Mais il me met également en garde contre l’auto-enfermement qui me guette si je me concentre sur la techno et les théories plutôt que sur la richesse de mon prochain, contre le mirage de la toute-puissante technologie qui cache l’homme et contre la méfiance voire le dégoût que la plupart des vieux loups du monde associatif conservent vis-à-vis de l’économique et du monde de l’entreprise. Pour me préserver de perdre contact avec mon prochain, il me prescrit la lecture de Simone Weil. Pour poursuivre mon exploration et découvrir des IIUPs, il me recommande de suivre la piste de la (petite) équipe Digital Bridge d’Alcatel.

Je ne suis pas encore passé à la pharmacie bibliothèque mais j’ai déjà compris que je tenais avec Alcatel une piste fragile mais prometteuse. Y a-t-il quelqu’un d’Alcatel dans la salle ? Poursuivons notre exploration.

Philippe est un entrepreneur aguerri dans le terrain du knowledge management. Innovation et KM ça le connaît. En plus, il a des projets plein la tête. Distribuer de la connaissance médicale « prête à l’emploi » à des médecins africains, ça fait longtemps qu’il y pense et qu’il s’y prépare ! Problème… Philippe est préoccupé par de gros soucis avec ses nouveaux associés.

Ce n’est pas le moment pour explorer avec lui plus avant la jungle des IIUPs. Il faut d’abord qu’il se rassure sur son gagne-pain. Ce n’est que partie remise.

J’avais rencontré Daniel dans un cadre associatif. Elu local en province, c’est par téléphone que nous nous entretenons. Il maîtrise parfaitement le sujet des projets coopératifs d’innovation locale grâce aux technologies Internet. Mais la dimension entreprenariale des innovations Internet d’Utilité Publique lui est étrangère. Pas de doute pour lui, l’intersection de l’utilité publique et de la technologie Internet grouille d’initiatives associatives locales, fourmille de projets d’espaces publics numériques, de sites Web citoyens, d’îles sans fils. Mais de là à parler de démarche économique ou de social entrepreneurship, c’est un pas que nous ne franchirons pas ensemble par téléphone. Pour lui, la bonne piste à suivre (si piste il y a), c’est sans doute celle de la FING. Ou peut-être à la limite de France Telecom, mais bon… avec peu d’espoir de succès.

Mmm… La FING, bien sûr, c’est facile. France Telecom, ça m’étonnerait, mais il faudra bien de toute manière explorer cette piste confuse, trompeuse et difficile. Mais par où la commencer.

A la FING, c’est naturellement vers Fabien que je me tourne. Fabien est une sorte de consultant comme on en recontre peu. Il connaît l’économie sociale comme sa poche. Il maîtrise l’Internet comme pas deux. Et les innovateurs, c’est son coeur de métier. Pour couronner le tout, c’est un copain à moi. Bref, l’interlocuteur idéal. Les Innovations Internet d’Utilité Publique, il en rêve. Il regrette les faibles moyens qui sont mobilisés sur ce sujet. Il n’est pas encore très au fait de la mode américaine du social entrepreneurship : mettre la force économique au service d’innovations d’intérêt général. Sans parler d’économie de communion. Mais il pense que c’est une piste qui a du sens. Peut-être ne découvrirais-je pas d’Eldorado des IIUPs mais ça ne l’étonnerait pas qu’un jour… quelqu’un comme vous, lui ou moi contribue à en construire. Il m’aide donc à cibler au mieux la poursuite de mon exploration, me suggère de vous raconter toutes mes découvertes sur mon blog et m’ouvre tout son carnet d’adresse (qui est sans fond, j’en témoigne).

Il m’introduit notamment auprès de son boss, Daniel et auprès de Claude (France Télécom). Il me semble qu’on avance ! Merci !

Daniel, consultant expérimenté en innovation publique et grand chef de la FING, se révèle également d’une grande sensibilité à l’intérêt de ma quête des IIUPs. Il y contribue à son tour en me recommandant auprès de responsables de l’innovation de plusieurs de nos vénérables institutions publiques françaises. Pour lui, les acteurs les mieux placés pour mener des IIUPs sont sans aucun doute les collectivités territoriales. L’Etat a-t-il encore vraiment les moyens de mener de telles innovations à grande ampleur ?

Il faut poursuivre dans ce sens. Chemin faisant, les contacts et les pistes se multiplient mais je sens que j’avance dans la bonne direction. Je sais déjà que je ne suis pas le seul à croire à la possibilité de changements sociétaux de belle ampleur et motorisés par des technologies issues de l’Internet. Les IIUPs ne sont pas des OVNIs (« je veux y croire » en tout cas). Allez, en avant…

C’est dans la jungle du RER que je tombe sur mon étape suivante : j’y reconnais Xavier. Je l’avais rencontré sur recommendation d’un très bon ami à une époque où je m’intéressais au rôle des ingénieurs dans le secteur public. Si je ne me trompe pas, il doit en connaître un rayon sur les innovations dans le secteur public. Pour peu qu’il s’intéresse à l’Internet… Je l’aborde et lui demande ce qu’il devient. Surprise : il dirige justement des recherches sur le knowledge management pour un grand ministère ! Double-surprise, un ministère s’intéresse au knowledge management à tel point qu’il finance des projets de recherche sur le sujet ! Xavier m’accorde donc un bon morceau d’après-midi pour que nous partageions nos passions communes et notre intérêt pour les innovations Internet d’utilité publique. J’y découvre comment les techniques de représentation des connaissances pourraient être utilisées pour formaliser l’expertise métier contenu traditionnellement dans les énomes annexes techniques des plus gros appels d’offres publics. J’imagine le champ des applications : aide au dépouillage des réponses à des appels d’offres complexes, contrôle semi-automatisé de la conformité des livrables des appels d’offres, formation des nouveaux ingénieurs du secteur public, etc. Comme pour de nombreux autres business, les métiers traditionnels de l’Etat peuvent avoir à gagner à mieux gérer leurs connaissances. J’y apprends également l’existence de projets d’universités en ligne ouvertes dont l’un des objectifs est de démocratiser l’accès à la connaissance par la mise en commun de contenus pédagogiques d’intérêt public. L’université de Phoenix, leader privé de l’enseignement en ligne, sera-t-elle un jour concurrencé par des services publics européens d’enseignement en ligne pour ingénieurs par exemple ? De tels projets se préparent mais n’en sont qu’à l’état larvaire semble-t-il. Et, encore une fois, ils semblent s’appuyer davantage sur du bénévolat et l'(in)attention bienveillante de l’Etat que sur une démarche volontaire d’innovation durable et économiquement viable. Comment aller plus loin ?

Il est temps de suivre les pistes repérées précédemment. Comment ça se passe du côté des collectivités locales ?

Alain dirige les projets « nouvelles technologies » d’un conseil général rural . Alain, l’un de mes anciens clients, a un profil rare : c’est un ancien entrepreneur reconverti au secteur public. L’économique, il sait ce que c’est. La techno, ça le fait vibrer. Et le secteur public, il y consacre sa vie professionnelle. Il me confirme immédiatement que ce sont les collectivités territoriales qui sont les plus susceptibles d’être innovantes en matière de nouvelles technologies (comparées à l’Etat). Ceci s’explique notamment parce qu’elles ont une pression (électorale) beaucoup plus immédiate et des enjeux plus concrets à traiter. Cependant, les budgets ne suivent pas forcément les augmentations de responsabilité (et d’effectifs). Pour Alain, les facteurs clefs de succès pour un conseil général qui veut mener à bien des projets numériques sont le fait de pouvoir s’appuyer sur des grosses communes, de savoir gérer des relations multi-partenaires et de savoir faire face à l’usager-client. Alain se prend à rêver avec moi aux départements qui lui semblent avoir les plus beaux challenges à relever (et les plus importants moyens ? ) en matière de nouvelles technos pour mener des innovations d’utilité publique : le 93 et le 59. En administration centrale, c’est peut-être le ministère des finances qui est l’administration la plus intéressante de son point de vue. Mais bon, personnellement, je ne me sens pas vibrer devant une feuille d’impôt fut-elle électronique. OK, c’est utile. Et c’est innovant. Un peu. Un tout petit peu, à mon avis. Mais je suis exigeant en la matière. Alain m’indique quelques références de consultants spécialisés sur son domaine. Mais j’ai déjà renoncé à trouver des consultants porteurs d’innovation. Le métier du conseil consiste trop souvent à limiter au maximum les risques (du consultant et, parfois du client) et à resservir le plus grand nombre de fois les mêmes recettes et ce, le plus cher possible. Le métier du conseil, c’est de comprendre le client, pas de prendre des risques à sa place. Confirmant les indications de Daniel de la FING, Alain me recommande de me raprocher de la Caisse des Dépôts : au croisement de l’économique et des collectivités locales, la CDC doit avoir une vue privilégiée des innovations Internet d’utilité publique auxquelles nous rêvons.

Sur ces bons conseils, je me taille donc un chemin jusqu’à la caisse des dépôts. J’y découvre une équipe dédiée à l’innovation au service des collectivités locales et des usagers des services publics. Ai-je enfin découvert l’eldorado des innovations Internet d’utilité publique ? Peut-être en partie. On y parle investissement raisonné dans de nouvelles offres de services publics économiquement rationnelles voire profitables à long terme. Comme souvent, les premiers sujets explorés ont été les infrastructures : espaces publics numériques pour l’accès du public à l’Internet dans des lieux publics, et depuis quelques années infrastructures réseaux et alternatives aux offres de l' »opérateur historique » (il faudra que je finisse par aller le voir, celui-là aussi…). Mais on parle aussi de service public en ligne personnalisé, de cartable numérique et autres grands projets d’utilité publique. Et les moyens mobilisés dans la Caisse des Dépôts semblent bien réels, au moins en terme de personnel. Bien sûr, la caisse n’a pas une culture d’innovation façon Silicon Valley ! Mais se pourrait-il qu’au sein d’une si vénérable et rhumatisante structure susbiste une petite équipe d’irréductibles innovateurs ? Se pourrait-il que tous ces projets d’innovation réussissent à éviter les écueils des clientélismes politiques et des échéances électorales tout en restant axés sur de véritables enjeux d’utilité publique ? Ce serait tellement bien si c’était vrai… Ce n’est pas ce premier entretien qui me permettra de me faire une idée définitive sur la question. En tout cas, j’ai encore une fois obtenu la confirmation qu’il existe des projets Internet d’utilité publique menés par des acteurs sérieux et y mobilisant des moyens importants en argent et en compétence. Bonne nouvelle pour les collectivités ! Par contre, on est dans le registre du gros projet structurel davantage que dans la bidouille agile et productrice de ruptures sociales et économiques profitables. On est dans le raisonnable et dans le planifié, pourriez-vous me dire : on ne change pas la société avec de la techno ? Quoique, il faut bien la changer avec quelque chose, non ? Ou bien, à tout le moins, les projets les plus innovants menés par la Caisse des Dépôts (cartables numériques, …) sont encore loin d’avoir fait leurs preuves. Et ces preuves ne semblent attendues qu’à long terme. De la Caisse des Dépôts à la startup, il y a une différence, non ? OK.

Bonne pioche avec la caisse des dépôts. Cette étape de ma recherche a été fructueuse en renseignements et en prises de contact. Voila une équipe centrée sur les innovations Internet d’utilité publique, pas de doute, même si l’approche adoptée semble bien loin du social entrepreneurship d’une part, de la garage company d’autre part. Mais il ne faut pas s’en étonner, on reste dans le domaine du financement de projets du secteur public.

Et l’opérateur historique, alors ? Fabien m’a mis en contact avec Pierre. Pierre, chercheur et entrepreneur dans l’âme, connaît par coeur France Telecom pour y travailler depuis longtemps déjà. Pierre m’accueille chaleureusement au centre de recherche de France Telecom et me met immédiatement au parfum : faut pas rêver, c’est pas chez FT qu’on trouvera de l’innovation Internet d’utilité publique. D’ailleurs, d’après lui, la rumeur est exacte : on n’y trouvera pas d’innovation tout court. FT a un beefsteak à défendre et il se passera encore longtemps avant que FT ne se retrouve en situation tellement concurrentielle qu’il sera forcé à innover pour conquérir de nouveaux marchés. Le trait est sans doute un peu forcé mais à peine. Et, bureaucratie faisant, ce n’est pas un environnement propice à l’innovation. Mais alors, pourquoi ces observations ne s’appliqueraient pas également à la caisse des dépôts ? En appliquant mes observations de la caisse des dépôts, et en étant optimiste, on peut au mieux imaginer qu’il existe chez FT quelques écosystèmes de niche internes au sein desquelles susbsitent des équipes mobilisant des moyens importants pour construire et commercialiser des offres de services nouvelles et répondant à des besoins d’acteurs publics ou de véritables attentes sociales ?

Pierre a en tout cas achevé de me décourager à chercher dans l’immédiat des pistes d’IIUPs chez France Telecom. Au contraire, il me donne généreusement de nombreuses pistes pertinentes à explorer dans son carnet d’adresses.

Une de mes anciennes collègues de travail m’avait fait découvrir l’économie de communion. A l’occasion d’une conférence sur ce thème, je rencontre la directrice d’un groupe agro-alimentaire. Celle-ci cherche maintenant à mettre ses compétences managériales et entreprenariales au service d’enjeux d’utilité publique, sur des thématiques de développement durable. Peu familière de l’univers des nouvelles technologies, elle m’invite cependant à rencontre Bernard un business angel qui cherche à répondre à des problématiques d’utilité publique par les outils du financement et de l’accompagnement de petites entreprises. Celui-ci évoque avec moi quelques projets sur lesquels il travaille. Il se révèle l’une des rares personnes rencontrées qui se situe à l’exact croisement des démarches d’innovation et de réponse à des enjeux d’utilité publique, plus particulièrement environnementales. Il me prouve, si cela était nécessaire, que les acteurs du secteur public sont bien loin d’avoir le monopole des innovations d’utilité publique. Nous évoquons ce en quoi l’Internet pourrait être utile pour de tels projets : du plus utopique avec la commercialisation de services en lignes de médiation appliqués au développement local jusqu’au plus prosaïque avec celle de services en ligne d’information sur la qualité de l’environnement dans les grandes villes françaises. Bernard semble un pont rare entre pur entreprenariat et économie sociale. Il serait sans doute une aide précieuse pour les social entrepreneurs qui émergeront un jour sur les marchés français.

Je ne peux terminer cette expédition estivale sans prendre le temps d’appeler mon pote Jean-Paul. Jean-Paul, ancien directeur d’association est aujoud’hui consultant Internet expérimenté auprès de collectivités locales et du tiers secteur. Il m’explique pourquoi son projet de création d’entreprise d’insertion par les nouvelles technologies n’a jamais pu voir le jour : l’incompétence professionnelle d’institutionnels de l’insertion pour l’économique y est pour quelque chose. Le dégoût et la méfiance des « vieux roudoudous du monde associatif » n’y sont pas pour rien. Alors, tout espoir est-il perdu de voir un jour des innovations privées répondant à des enjeux d’utilité publique à l’aide des technologies Internet ? Jean-Paul pense qu’aujourd’hui, les seuls acteurs qui peuvent prétendre à faire du sérieux dans le domaine, ce sont les équipes d’ingénierie des télécommunications des grosses ONG internationales, quoique ce ne soit certes pas dans une démarche entreprenariale. Alors, où verra-t-on de vraies IIUP demain ? Il hésite un instant et me confie : l’enjeu d’utilité publique auxquelles de telles innovations pourraient répondre de la manière la plus profitable, c’est le financement de micro-projets associatifs. Oh-oh ! Voila qui m’inspire… Il faudra que je (lui et) vous présente bientôt le projet que cette idée m’inspire.

Cette expédition a pris fin dans le courant de l’été : il fallait bien que je parte véritablement en vacances à un moment donné, non ?! Récapitulons les questions que je me posais initialement et mes conclusions à ce stade de mes recherches :

  • les innovations Internet d’utilité publique ne sont plus totalement terra incognita puisque je suis revenu vivant de cette expédition pour vous en parler
  • Peut-on répondre durablement à des enjeux d’utilité publique avec l’Internet ? Je n’en ai pas acquis la preuve mais nous sommes nombreux à y croire, alors pourquoi pas.
  • Les IIUPs, est-ce que ça existe vraiment ? est-ce un OVNI ? Peut-on faire de l’innovation Internet d’utilité publique à grande échelle et avec des moyens vraiment conséquents ? Ces entretiens m’ont permis de rencontrer plusieurs personnes affirmant qu’ils ont vu voire rencontré des IIUPs. Pour certains, il s’agit même de sujets de travail sur lesquels sont mobilisés des moyens significatifs dans quelques grandes organisations.
  • Qui s’est déjà attelé à de tels projets ? La carte ci-dessous récapitule les principaux acteurs que j’ai pu répérer et/ou rencontrer jusqu’ici. Il me faudra un jour positionner sur cette carte des acteurs tels que le Réseau Idéal, 6nergies, Ilog, Sofrecom, l’UNIT Consortium, Sopinspace, la DATAR, Ashoka, Navidis, Novethic et d’autres…

Acteurs des innovations Internet d'utilité publique

Malheureusement, l’été a été trop court pour explorer toutes les pistes qui se sont offertes à moi. Et, reprise oblige, j’ai moins de temps pour explorer ces pistes par des entretiens face-à-face (sauf à déjeuner ensemble, bien sûr). Alors je me tourne également vers vous pour m’aider à affiner ces idées. Comment croiser, en France, utilité publique, entreprenariat et nouvelles technologies ? Ces ingrédients peuvent-ils prendre en mayonnaise ? Où sont les grands Chefs cuistot en la matière ? J’aimerais savoir ce que tout cela vous inspire. Comment voyez-vous les choses ? Qui peut me donner plus de tuyaux à ce sujet ? Comment poursuivre cette exploration et dans quelles directions ?