Archives mensuelles : septembre 2004

Innover : qui ? comment ?

L’innovation, tout le monde en parle. Ca tombe bien, ça m’intéresse. L’une des personnes qui en parle le mieux sur le web, c’est selon moi Dave Pollard. Lui-même dit que c’est Clay Christensen. Ce dernier fait le distinguo habituel entre deux types d’innovation :

  • les innovations incrémentales qui consistent à améliorer peu à peu une offre auprès d’un marché donné et bien connu, ce qui avantage les grandes entreprises (car, par définition, bien implantées sur leur marché)
  • les innovations radicales qui consistent à créer des offres radicalement nouvelles et donc à étendre un marché au-delà de ses limites habituelles, pour atteindre de nouveaux clients (et rendre peu à peu obsolète les offres anciennes en grignotant également l’ancien marché).

Les entreprises privées de taille moyenne ont les meilleurs atouts pour innover

Clay Christensen affirme que les entreprises côtées en bourse sont largement handicapées pour innover car leur objectif est d’accroître leurs profitabilité (et donc potentiellement les dividendes aux actionnaires et donc la valeur en bourse) plutôt que d’accroître leur chiffre d’affaires. Elles ont donc tendance à privilégier l’exploitation maximale d’un marché donné plutôt qu’à prendre des risques pour s’aventurer dans des marchés à défricher et donc peu profitables avant un certain temps.

Pour répondre aux innovations de leurs concurrents, leur seul espoir consisterait à copier les innovations radicales de ceux-ci en créant de nouvelles business units. Il leur faudrait ensuite à cloisonner ces dernières de manière à ne pas souffrir de l’inertie propre à la grande entreprise. Selon lui, privilégier un financement essentiellement privé offrirait donc de plus grandes chances de succès à l’entreprise qui souhaite devenir durablement innovante.

A l’opposé sur le spectre de la taille des entreprises, les très petites entreprises ont moins de chances de succès lorsqu’il s’agit d’innover car leurs capacités d’investissement sont habituellement limitées. Elles risquent donc de s’essouffler à vouloir conquérir de nouveaux marchés avec de nouvelles offres qui, si elles se révèlent effectivement intéressantes, pourront être copiées par des entreprises ayant de plus grosses capacités d’investissement et étant donc susceptibles de les doubler pour remporter la mise (« premier arrivé, premier servi ! »). Les très petites entreprises auraient donc intérêt à ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre en matière d’innovation.

Pour innover davantage, il faut interroger ses prospects ou certains de ses clients

Dave Pollard défend l’idée que c’est en dialoguant avec certains de ses clients que l’on arrive à identifier leurs besoins non satisfaits et donc à inventer de nouvelles solutions et de nouvelles offres pour les satisfaire. La clef de l’innovation ne résiderait pas dans les technologies et les centres de R&D mais dans le dialogue avec le client. L’innovation serait guidée par le besoin non satisfait (à ne pas confondre avec la demande) et non par l’offre. Pollard précise joliment :

La nécessité est mère de l’invention.

Exit les bricoleurs de génie sauf lorsqu’ils inventent un bricolage qui répond à leur propre besoin (« an itch to scratch », ça vous rappelle quelque chose ?). Selon Pollard,

les innovations qui viennent de la R&D ont tendance à être des solutions en quête de problèmes et celles qui viennent du marketing ont tendance à être des solutions pour lesquelles on essaie de créer artificiellement un besoin grâce à la publicité.

Christensen affirme qu’à force d’écouter ses clients habituels, on en vient à privilégier les solutions existantes et non innovantes car, par définition, si ce sont vos clients habituels, c’est qu’ils sont déjà satisfaits par ce que vous leur offrez : pas de motivation à innover. Christensen affirme donc que c’est avec ceux qui n’achètent pas chez vous qu’il faut dialoguer pour imaginer ce que vous pourriez inventer pour qu’ils deviennent vos clients. Ce à quoi Pollard répond qu’il est préférable d’identifier parmi ses clients habituels, ceux qui sont prêts à faire un effort d’imagination, pour établir un dialogue avec eux (plus facile à faire qu’avec ses simples prospects) et imaginer comment leur vendre davantage.

Savoir raconter la bonne idée

Admettons que j’ai mon client imaginatif ou mon prospect consentant à faire preuve d’imagination. Je l’ai interrogé pour débusquer ses besoins non satisfaits. J’ai réussi à mettre en correspondance l’un de ces besoins avec quelque chose que je sais faire (une technologie, …) et que je pourrais transposer au contexte de mon client. Cette mise en relation besoin non satisfait – technique connue, c’est mon idée innovante. OK. Maintenant, qu’est-ce que je fais avec cette bonne idée ? Toujours selon Pollard, il convient de s’assurer que l’on sait bien raconter cette bonne idée. (Ce n’est que l’une des étapes clefs d’un modèle général des processus d’innovation, commenté par Pollard).

En effet, pour pouvoir mettre son idée en oeuvre et la vendre, il va falloir que je la transplante dans le cerveau de mes collaborateurs, partenaires, fournisseurs et clients. La meilleure manière de s’y prendre consisterait à la raconter sous la forme d’une histoire. C’est le fait de raconter une histoire qui permet le mieux de mettre cette idée dans un contexte pratique et concret, qui permet par exemple au client d’imaginer ma nouvelle offre dans sa vie, son travail au quotidien. Le récit serait le moyen le plus efficace de propager cette idée pour « éduquer » le client (je trouve cette expression méprisante pour le client d’ailleurs). Et

distiller les récits pour en faire des leçons détruit l’essence-même de leur valeur en détruisant la capacité de l’apprenant à internaliser, à digérer et à apprendre l’expérience contextualisée de l’enseignant.

Dave Pollard a publié d’autres articles sur l’innovation. Dès que les ai lu, je vous les commenterai dans ce carnet. A suivre…

Blogs, klogs, plogs… en entreprise

On les appelle couramment des weblogs, ou blogs pour faire plus court, ou carnets web pour faire plus francophone. Certains carnets web s’étant spécialisés, on a poussé les néologismes : klogs désigne les carnets web dédiés au partage de connaissance (knowledgelogs) ; plogs désigne les carnets de bord d’équipes projets (project logs) ; moblogs désigne les carnets web dont la mise à jour s’effectue depuis un PDA ou un téléphone portable (mobile logs). Sans compter les photologs et autres vlogs (video logs). Et puisque les carnets Web font leur entrée dans le monde de l’entreprise, on en revient à dire que blog = business-log.

Un journaliste du magazine CIO (dédié aux directeurs informatiques) confirme que parmi les plus grosses entreprises au monde (Fortune 500), un nombre significatif utilisent des blogs au sein de leurs départements informatiques notamment en tant que project logs pour coordonner et commenter l’avancement de projets informatiques.

Il cite dans son article les motivations de ces entreprises, et ses lecteurs en ajoutent quelques unes :

  • [leur] mélange de commentaires critiques est vu davantage comme constructif que l’inverse

  • si j’étais un gestionnaire des ventes d’un géant pharmaceutique, j’apprécierais de pouvoir de temps en temps parcourir le carnet de mon interlocteur informatique qui installe un système d’automatisation des forces de vente

  • [on peut] difficilement imaginer un meilleur moyen d’ancrer les nouveaux membres d’un service informatique dans un même contexte

  • un plog donne l’occasion à un leader d’observer dans son ensemble le « storyboard continu » [de son projet] pour évaluer si les actions ou les réflexions en cours vont permette de produire les livrables attendus pour le projet

    Il peut ainsi réagir comme le ferait un réalisateur ou un metteur en scène

  • contrairement aux approches top-down habituelles du knowledge management,
    les plogs et leurs cousins permettent au savoir de rester proche du créateur de ce savoir

    Les carnets web sont des outils individuels et qui valorisent la contribution de l’individu plutôt que de le noyer dans la masse

  • les blogs prennent le relais électronique de la machine à café

L’auteur de cet article, et ceux qui l’ont commenté, citent également divers risques qu’il s’agit de gérer intelligemment dans l’adoption des carnets web en entreprise :

  • rester constructif : la motivation des lecteurs d’un carnet de projet doit davantage être la curiosité (savoir où en est le projet par exemple) que la volonté d’interférer
  • prévenir les ingérances indues : à la lecture d’un plog, grande peut être la tentation de devenir un micromanager qui interfère indûment dans les affaires en cours
  • prévenir les crises de blogorrhée :
    la ligne entre la libre expression et l’auto-indulgence est effroyablement fine

    et les carnetiers peuvent avoir tendance à verser dans l’auto-promotion ou le noyage de leurs lecteurs potentiels dans une prose égocentrique qui n’intéresse qu’eux-mêmes

  • éviter de communiquer plutôt que de travailler : il arrive qu’à force de prendre du plaisir à communiquer avec ses collègues, on en perde le sens des priorités !
  • ne pas se laisser abuser par une belle communication : un plog peut devenir un outil de politique de couloirs, une caisse de résonance pour ceux qui savent que leur manager n’est pas capable de distinguer les vantards des collaborateurs efficaces
  • être efficace : pour que les carnets web ne soient pas « encore une autre tentive de gérer les connaissances », il s’agit que leur adoption soit guidée par le pragmatisme et les usages qu’en font les utilisateurs pilotes et non par les concepts ou les outils

Dave Pollard avait quant à lui, sur son carnet Web, réuni un certain nombre de (bons) conseils pour mettre en oeuvre un politique de carnettage dans une entreprise :

  • Les blogs sont individuels (non aux carnets d’équipes)
  • La taxonomie d’un blog doit rester propre à son auteur (et ne pas se perdre dans une politique bureaucratique ou technocratique de classements/catégorisation de concepts !). Elle reprendra typiquement la manière dont l’auteur organise le répertoire « Mes documents » de son poste de travail ou bien sa boîte aux lettres ou plus simplement son armoire.
  • Les meilleurs candidats au carnettage en entreprise sont ceux qui ont déjà l’habitude de publier abondamment en entreprise : éditeurs de newsletters, experts, communiquants. Ce sont ceux que l’on citera spontanément en répondant à la question : « lequel de vos collaborateurs a des fichiers dont le contenu vous serait le plus utile dans votre travail ? »
  • Pour chaque possesseur d’un carnet web, demandez à vos informaticiens de convertir en HTML et de mettre en ligne dans son carnet Web l’ensemble de ses fichiers bureautique, pour constituer une archive qui apportera une valeur immédiate à ses lecteurs.
  • Avec l’aide de vos équipes marketing, créer chez vos clients l’envie d’accéder à certains carnets web de vos collaborateurs, comme si il s’agissait d’un canal privilégié de relation avec l’entreprise.

Le journaliste de CIO.com estime que

les organisations IT qui utilisent efficacement les blogs comme outils de management (ou comme ressources pour la communication) sont probablement des environnements de développement [humain] qui prennent au sérieux les personnes et les idées.

Il estime enfin que

lorsqu’un développeur ou un manager ou un chargé de support clientèle réussit à produire un plog qui suscite l’attention, qui sensibilise et qui suscite le changement, alors c’est une compétence qui mérite reconnaissance et récompense.

Linux vu par le Gartner

Le Gartner Group a récemment réalisé une enquête auprès de reponsables de centres de données. Voici quelques extraits des résultats de cette enquête : 42% des interrogés sont encore en train d’expérimenter Linux pour en évaluer l’intérêt pour eux, 34% ont adopté Linux dans leur centre après avoir reconnu ses avantages et sa maturité, 9% en sont déjà à une phase où ils en tirent des bénéfices tangibles. Chose plus étonnante, 30% d’entre eux prévoient de déployer Linux pour supporter des applications départementales ou sectorielles (et non pas seulement en tant qu’OS pour les serveurs d’infrastructure). L’adoption de Linux se fait principalement aux dépends d’Unix propriétaires mais également en partie aux dépends de serveurs Windows. Les trois fournisseurs préférés de service pour l’accompagnement de déploiements Linux en datacenters sont IBM, Red Hat et HP. Les principaux freins à l’adoption de Linux dans les datacenters sont surtout le manque de compétences des personnels mais aussi le manque d’applications et le manque d’outils d’administration et de supervision (la gestion de datacenters implique de forts besoin en la matière).

Où partir en vacances avec des nourissons ?

Vous avez un (des) enfant(s) en bas âge ? Vous avez besoin de souffler un peu et de partir en vacances ? Vous ne pouvez pas emporter votre nounou dans vos valises, alors, comment vous organiser ?

Confronté à ce problème, j’ai essayé de trouver des formules commerciales de vacances familiales avec une offre « garderie » dedans. Voici ce que j’ai trouvé jusque là :

Pour plus de détails, jetez un coup d’oeil à ce dossier vacances familiales du Figaro et à cette discussion sur aufeminin.com

Mozilla Firefox plutôt que Microsoft Internet Explorer ?

Dans les grandes entreprises comme ailleurs, la sécurité est un objectif prioritaire (si ce n’est L’OBJECTIF prioritaire) des directions informatiques. A l’heure où certaines se demandent si il est opportun d’inscrire le navigateur Internet Explorer comme standard interne obligatoire pour le Web, la concurrence entre navigateurs semble enfin se réveiller.

Le marché est actuellement dominé par Internet Explorer, l’offre de Microsoft (environ 95% des parts de marché ?). Mais les innombrables failles de sécurité qui ont été identifiées cette année dans IE ont sapé la confiance de nombre d’informaticiens envers ce produit. A tel point que le CERT, observatoire de la sécurité informatique dépendant du ministère de l’intérieur américain recommande aux utilisateurs d’envisager l’abandon d’IE au profit de navigateurs alternatifs, tels que Firefox, de la fondation Mozilla. Depuis lors, les recommandations d’experts au sujet de Firefox se sont multipliées dans la presse spécialisée (voir les articles de 01Net et du Journal du Net) mais aussi dans la presse professionnelle généraliste aux USA (voir ci-après). Et les observateurs ont constaté que, pour la première fois depuis longtemps, le monopole d’IE sur le marché des navigateurs semble vaciller.

On a ainsi pu lire dans Business Week :

Bien que la part de marché du navigateur Web de Mozilla soit encore petite, sa croissance tire partie de ceux qui sont soucieux des failles de sécurité du produit dominant de chez Microsoft […] Pour la première fois depuis plus de sept ans, Microsoft perd des parts dans le marché des navigateurs Web. Et il ne s’agit pas seulement d’un effet de bord. […] Firefox est-il supérieur à IE ? Les analystes qui ont comparé les deux disent que Firefox s’affiche plus rapidement et ouvre les pages Web plus rapidement. Il a quelques fonctionnalités qu’IE n’a pas […].

On a également pu lire dans le Wall Street Journal :

[Comment] naviguer en sécurité : je suggère d’abandonner le navigateur Web Internet Explorer de Microsoft qui a accumulé les failles de sécurité. Je recommande de le remplacer par Mozilla Firefox, qui est gratuit et librement disponible sur www.mozilla.org. Il s’agit d’un produit non seulement plus sûr mais également plus moderne et plus avancé avec la navigation par onglets qui permet à de multiples pages de s’afficher sur un même écran et un bloqueur de publicité « pop-up » meilleur que celui que Microsoft a tardivement ajouté à IE.

Parmi les autres innovations apportées par Firefox, on peut également retenir Live Bookmarks, une solution de suivi d’actualités en ligne (Yahoo, BBC, presse française, carnets Web, …) et de partage de bookmarks en ligne.

Le site news.com rapporte que les parts de marché de Firefox ont progressé au détriment de Microsoft. Sur ce site d’actualité informatique grand public, les utilisateurs Firefox seraient passés de 8% en janvier 2004 à 18% en septembre 2004. D’après une entreprise de mesure d’audience, 1,8% des utilisateurs des sites de e-commerce auraient abandonné IE au profit de Firefox entre juin et septembre 2004, soit une part de marché de 5,2% pour Firefox en septembre 2004.

Le responsable de la sécurité informatique chez Microsoft a même admis (malencontreusement) dans la presse (magazine Wired) qu’il avait dû abandonner IE au profit de Firefox afin de protéger son ordinateur contre une menace de piratage.

Pour la récente publication de la version 1.0 PREVIEW de firefox, début septembre 2004, le site de Mozilla a enregistré plus d’un million de téléchargements en moins de 100 heures.

La vision de chez Mac Donald Bradley au sujet du web sémantique

J’ai été très impressionné par la qualité de la vision du directeur scientifique de chez Mc Donald Bradley au sujet du web sémantique. Il présente non seulement de très justes illustrations de la vision de Tim Berner’s Lee mais il la remet également de manière très pertinente dans le contexte général de l’évolution de l’informatique sur les dernières décennies, à travers notamment la perspective d’applications concrètes pour l’entreprise. Sa déclaration d’indépendance des données laisse présager un avenir excellent pour la nouvelle discipline informatique qu’est l’architecture de l’information. McDonald Bradley est une entreprise que je trouve d’autant plus intéressante qu’elle se positionne sur des marchés verticaux clairement délimités, au sein du secteur public (et donc précurseurs en matière d’open source) : les services de renseignement, la défense, la sécurité, les finances publiques et les collectivités locales. A rapprocher des interrogations de Kendall Grant Clark au sujet de l’appropriation du web sémantique par les communautés du libre ? Malheureusement, je crains qu’il n’existe pas d’entreprise équivalente en France…

Web scraping with Python

Here is a set of resources for scraping the web with the help of Python. The best solution seems to be Mechanize plus Beautiful Soup.

See also :

Off-topic : proxomitron looks like a nice (python-friendly ?) filtering proxy.

Solution open source de gestion des identités

Linagora propose une solution complète de gestion des identités électroniques appuyée sur des logiciels open source : InterLDAP (s’appuyant notamment sur AACLS).
Avantages : une couverture fonctionnelle très large (WebSSO, gestion de listes de diffusion, administration déléguée, infrastructure d’annuaires avec réplication, flexibilité extrême dans la gestion des règles de contrôle d’accès, user provisioning…), un coût de licences nul, des choix technologiques prudents et « industriels » (J2EE, OpenLDAP, respect des standards ouverts…).
Inconvénients : encore peu « packagée » d’un point de vue marketing, pas de grosse référence dans le secteur privé, difficile à acheter par un acteur privé (cf. ci-dessous), difficilement comparable avec un produit propriétaire concurrent.

Pour reprendre des thèmes évoqués avec Nicolas Chauvat de Logilab lors d’une récente conversation, ce type d’offres souffre de défauts communs à la plupart des offres produits open source lorsqu’il s’agit de les vendre notamment au secteur privé. Comment les acheteurs de grandes sociétés du CAC 40 peuvent-ils évaluer leur performance (et donc leur prime de fin d’année ?), eux qui ont l’habitude de la mesurer à l’aune du différentiel entre le prix public des licences et le prix négocié ? Les modes d’achats logiciels des gros acteurs privés ne sont vraiment pas adaptés à l’achat de solutions open source. En effet, le coût de licence étant nul, c’est l’évaluation d’un coût total de possession qui peut seul permettre la comparaison entre une offre open source et une offre propriétaire. Or, outre le fait que les modèles de TCO sont généralement peu fiables ou alors très coûteux à mettre en place, il est difficile de prévoir le coût des développements spécifiques/personnalisation. L’achat d’un développement au forfait suppose normalement que l’acheteur soit capable de fournir un cahier des charges fonctionnel du besoin détaillé et stable pour que le fournisseur en concurrence puisse s’engager sur un coût prévisionnel et prenne à sa charge le coût du risque lié à cette prévision. Mais le problème, c’est que l’acheteur est généralement incapable de fournir un tel dossier car les services informatiques sont généralement trop contraints par les délais et l’imprévisibilité des maîtrises d’ouvrage pour pouvoir formaliser ce cahier des charges dans de bonnes conditions. Cela entraîne des pratiques d’achat dans lesquelles on compare d’une part un coût de licence et de support et d’autre part un coût du jour.homme pour le développement spécifique. Dès lors comment comparer un produit propriétaire pour lequel l’essentiel du coût présenté à l’achat est celui de la licence avec un produit open source pour lequel l’essentiel du coût présenté à l’achat est celui de l’intégration ?

Etant données la marge d’incertitude liée aux spécifications fonctionnelles (imprécises, peu stables), la marge d’incertitude liée au modèle de calcul du TCO et la marge d’incertitude liée à l’évaluation de l’adéquation d’un produit au besoin fonctionnel, il paraît relativement vain aux acteurs privés de vouloir considérer des solutions open source dans leurs appels d’offres. Ce n’est que lorsque la nature de la relation du client à son fournisseur est un élément stratégique de décision que le choix open source paraît devenir évident. Lorsque le client cherche une solution qui lui donne plus d’autonomie vis-à-vis de l’éditeur, c’est alors qu’il peut voir la valeur d’une offre open source. Mais, même dans ce cas, peut-on réellement quantifier cette valeur ? Est-elle défendable devant des acheteurs et des décideurs du secteur privé ? Sans doute. Pourtant, je n’ai encore jamais vu d’argumentaire marketing soutenu par un modèle financier solide et reconnu par la presse professionnelle qui arrive à démontrer cette valeur. Les entreprises françaises croient encore qu’open source signifie soit gratuit, soit bricolé par des non professionnels, soit « non industriel » ou, dans le meilleur des cas, croient que l’open source signifie « prétenduement vraiment moins cher ». Plus encore, je pense que la mentalité générale consiste à considérer l’open source comme « non gérable ». Lorsque cette mentalité aura changé, c’est que les entreprises du secteur de l’open source auront réussi.

PS : A ces difficultés, il faut ajouter le fait que la plupart des SS2L regroupent des passionnés des technologies qui n’ont pas forcément les compétences marketing et de vente que réunissent habituellement les éditeurs propriétaires. Mais ce dernier point n’est sans doute qu’un péché de jeunesse ?