Fibromyalgie, qu’est-ce qui marche vraiment ?

Un de mes proches souffre de fibromyalgie alors je m’interroge sur l’état actuel des connaissances scientifiques sur les traitements de la fibromyalgie : qu’est-ce qui marche vraiment ? y a-t-il des progrès récents et de nouveaux traitements à envisager avec des preuves solides et consensuelles ?

Donc j’ai dégainé Google Scholar, à la recherche de méta-analyses et de revues systématiques de littérature au sujet de la fibromyalgie. Voici l’essentiel de mes découvertes. A noter que la traduction des résumés de ces publications (ou de leur conclusion) a été bâclée par moi avec l’aide de Google Translate donc des imperfections subsistent… En cas de doute, allez lire la publication scientifique d’origine.

Ah, et puis un conseil pour commencer : s’intéresser à l’association Fibromyalgie France, contacter leur responsable local (départemental ou régionale) pour leur demander d’éventuelles infos (événements locaux, rencontres, forums, …) et notamment identifier s’il y a dans le coin des médecins rhumatologues (la fibro relève de leur spécialité, même si ça n’a rien d’un rhumatisme…) qui s’y connaissent bien en matière de fibromyalgie.

Ah, et puis encore un point préalable, parcourir l’article fibromyalgie (ou « FMS ») de la wikipédia anglophone, notamment la rubrique traitements, dont voici mon résumé :

  • Thérapies psychologiques : les TCC et les thérapies psychologiques et comportementales liées ont un effet faible à modéré dans la réduction des symptômes. Les TCC sont plus efficaces lorsque combinées à l’exercice physique.
  • Exercice physique : l’exercice améliore le bien-être et le sommeil et peut réduire la douleur et la fatigue chez certains fibromyalgiques. En particulier, il y a des preuves fortes que l’exercice cardiovasculaire est efficace chez certains. L’exercice aquatique récurrent a des bénéfices prouvés car il combine exercice cardiovasculaire avec entrainement à la résistance.
  • Antidépresseurs : un petit nombre de personnes tirent des bénéfices significatifs des SNRIs duloxetine et milnacipran et des anti-dépresseurs tricycliques (tels que l’amitriptyline) cependant de nombreuses personnes ressentent plus d’effets indésirables que de bénéfices.
  • Médicaments anti-convulsifs : la gabapentine a des bénéfices significatifs chez 30% des patients. Cependant elle est fréquemment associées avec des effets indésirables.
  • Opioïdes : la combinaison de tramadol et de paracétamol a une efficacité, une sécurité et une tolérabilité prouvées (pour des durées jusqu’à 2 ans) sans le développement de tolérance.
  • Résultats intrigants : hormone de croissance humaine ? naltrexone à faible dose ? oxybate de sodium ?

Allez, après cette introduction wikipediesque, c’est parti pour les publications les plus intéressantes de ces dernières années d’après ma recherche sur Google Scholar :

  • 2010 : Emotional, physical, and sexual abuse in fibromyalgia syndrome: A systematic review with meta-analysis
    Conclusion : L’association entre FMS et abus physique et sexuel a pu être confirmée, mais est compliquée par la qualité de l’étude
  • 2011 : Comparative efficacy of pharmacological and non-pharmacological interventions in fibromyalgia syndrome: network meta-analysis
    Résultats : 102 essais clinniques sur 14 982 patients et huit interventions actives (antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs de recapture de la sérotonine, inhibiteurs de la sérotonine recapture de la noradrénaline (IRSN), acide butyrique analogique, prégabaline gamma-amino, exercice aérobique, balnéothérapie, thérapie cognitivo-comportementale (TCC), thérapie multi-composantes) ont été inclus dans l’étude. La plupart des essais étaient de petite taille et entravés par leur qualité méthodologique, l’introduction de l’hétérogénéité et l’incohérence dans le réseau. Lorsque restreinte aux grands essais avec plus de 100 patients par groupe, l’hétérogénéité était faible et les avantages pour IRSN et la prégabaline par rapport au placebo était statistiquement significatifs, mais faibles et pas cliniquement pertinents. Pour les interventions non pharmacologiques, un seul essai à grande échelle de la TCC était disponible. Dans les essais de taille moyenne avec ≥50 patients par groupe, la thérapie multi-composantes a montré des avantages faibles à modérés par rapport au placebo, suivie par l’exercice aérobie et la TCC.
    Conclusions : les avantages des traitements pharmacologiques de la FMS sont d’une pertinence clinique discutable et les preuves au sujet des bénéfices des interventions non pharmacologiques sont limitées. Une combinaison de la prégabaline ou de l’IRSN en tant qu’intervention pharmacologique et de la thérapie multi-composants incluant exercice aérobique et TCC en tant qu’interventions non pharmacologiques semble la plus prometteuse pour la gestion de la FMS.
  • 2012 : The Role of Antidepressants in the Management of Fibromyalgia Syndrome, A Systematic Review and Meta-Analysis
    Conclusions: L’amitriptyline de TCA, la duloxétine et l’IRSN milnacipran sont des options de première intention pour le traitement de patients fibromyalgiques. Les médecins et les patients doivent être réalistes sur les avantages potentiels d’antidépresseurs dans FMS. Un petit nombre de patients éprouvent un soulagement notable des symptômes sans ou avec des mineurs des effets néfastes. Cependant, un nombre remarquable de patients abandonnent le traitement en raison d’effets indésirables intolérables ou ne ressentent qu’un petit soulagement des symptômes, ce qui ne l’emportent pas sur les effets indésirables.
  • 2012 : Pharmacological treatment of fibromyalgia syndrome, Systematic review and meta-analysis (par l’association des sociétés de médecins allemands), voir notamment tableau de synthèse page 51
    • Duloxetine, recommandation consensuelle fondée sur des preuves de qualité 1A : les patients fibromyalgiques souffrant également de troubles dépressifs et/ou de troubles de l’anxiété devraient être traités avec de la duloxetine à 60mg/jour pour une période de temps limitée. Ce traitement peut également être envisagé pour des patients sans trouble dépressif ni trouble de l’anxiété si un traitement à l’amitriptyline n’est pas possible (par exemple à cause de contre-indications) ou bien ne fut pas efficace ou bien fut mal toléré.
    • Antidépresseurs tricycliques, recommandation fortement consensuelle fondée sur un niveau de preuve 2A : l’Amitriptyline entre 10 et 50 mg/jour devrait être utilisée sur des périodes de temps limitées
    • Prégabaline, recommandation consensuelle fondée sur des preuves de qualité 1A : Un traitement à prégabaline entre 150 et 450 mg/jour peut être envisagé sur des périodes de temps limitées si un traitement à l’amitritpyline n’est pas possible (par exemple à cause de contre-indications) ou bien ne fut pas efficace ou bien fut mal toléré.
    • Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, recommandation consensuelle fondée sur un niveau de preuves de qualité 2A : Un traitement à base de SSRI, fluoxetine entre 20 et 40 mg /jour ou paroxetine entre 20 et 40 mg / jour peut être envisagée sur une période de temps limitée pour des patients souffrant également de troubles dépressifs ou de troubles de l’anxiété.
    • Recommandations négatives (ne devraient pas être utilisés) : les anti-viraux, les anxiolytiques, les agonistes de la dopamine, les traitements hormonaux (y compris hormone de croissance), les hypnotiques, les interférons, la ketamine en intraveneuses, les anesthésiques locaux, l’oxybate de sodium, les neuroleptiques, les opïodes forts, les antagonistes des récepteurs de sérotonine, les canabinoïdes, les relaxants musculaires, les antirhumatiques non-stéroïdaux,
    • Pas de recommandation (données insuffisantes pour trancher, nécessitent des recherches complémentaires) : gabapentine, inhibiteurs de la recapture de la noradrenaline, opioïdes faibles, aspirine, acétaminophène, metamizole.
  • 2012 : Canadian Guidelines for the Diagnosis and Management of Fibromyalgia Syndrome
    Les recommandations consensuelles canadiennes :

    • la stratégie thérapeutique doit inclure des principes d’auto-gestion de la fibromyalgie, d’attention personnalisée aux symptômes individuels, avec une supervision étroite et un suivi régulier, en particulier aux premiers temps de la gestion de la fibromyalgie par le patient,
    • les patients devraient être encouragés à identifier des objectifs spécifiques quant à leur qualité de vie au début du traitement, avec une ré-évaluation des objectifs au cours du suivi,
    • la participation active du patient devrait être une part entière de la stratégie thérapeutique, en encourageant le patient à trouver des sources d’entraide,
    • les patients devraient être encouragés à poursuivre une vie aussi normale que possible,
      la thérapie devrait inclure une composante de thérapie psychologique et au moins une composante de thérapie physique,
    • les patients devraient être informés de l’impact négatif que leur détresse psychologique peut avoir sur leur bien-être physique,
    • les TCC même sur de courtes périodes sont efficaces pour réduire la peur de la douleur et la peur de l’activité physique,
    • les personnes fibromyalgiques devraient participer à un programme d’entraînement physique progressif de leur choix et en attendre des effets probables sur les symptômes de la fibromyalgie,
    • les patients devraient être informés que l’on ne dispose pas, actuellement, de preuves de l’utilité des médecines alternatives pour la fibromyalgie,
    • les patients devraient être encouragés à informer leur médecin traitant des éventuelles médecines alternatives qu’ils suivent,
    • les médecins devraient identifier le symptôme le plus gênant pour le patient et cibler des traitements pharmacologiques centrés sur ce symptôme ; un choix pharmaceutique idéal pourrait cibler plusieurs symptômes simultanément mais nécessite alors une attention sur l’interaction entre les médicaments utilisés,
    • les traitements pharmaceutiques doivent être commencés à faible dose avec une augmentation graduelle et prudente pour éviter les risques d’intolérance, et avec une évaluation régulière sur l’efficacité et les effets secondaires, en notant que certains effets secondaires sont similaires à certains symptômes de la fibromyalgie,
    • les médecins prescrivant des médicaments doivent garder l’esprit ouvert et s’informer sur le large spectre de médicaments disponibles pour traiter les symptômes, et ne devraient pas se limiter à une simple catégorie de médicaments,
    • l’acétaminophène peut être utile pour certains patients mais avec une attention au dosage,
      si jamais l’acétaminophène et les anti-inflammatoires non-stéroïdiens sont prescrits, en particulier en cas d’ostéoarthrite, ils ne devraient l’être qu’au plus faibles doses et pour les périodes de temps les plus courtes possibles,
    • l’essai d’opioïdes, en commençant par des opioïdes faibles comme le tramadol, devrait être réservé aux patients à douleur moyenne à sévère qui ne répondent pas aux autres traitements,
    • les opioïdes forts ne devraient pas être prescrits et l’usage d’opioïdes ne devraient être prolongé que pour les patients dont les fonctions et la douleur s’améliorent,
      essayer un traitement à base de cannabis peut être envisagé en particulier en cas de troubles importants du sommeil,
    • les effets anti-douleurs des anti-dépresseurs devraient être expliqués aux patients afin de dissiper l’idée qu’ils seraient avant tout prescrit pour répondre à des plaintes d’ordre psychologiques,
    • toutes les catégories d’anti-dépresseurs peuvent être utilisées contre la douleur et le choix doit être guidé par les preuves disponibles de leur efficacité, par les connaissances du médecin, les caractéristiques du patient, et l’attention au profil d’effets secondaires,
    • l’usage de médicaments anti-convulsifs devrait être expliquée par leurs propriétés anti-douleur, le traitement devrait commencer aux doses les plus faibles avec augmentation progressive sous surveillance des effets secondaires,
    • les médecins devraient noter que seuls la prégabaline et le duloxetine ont reçus une approbation de prescription contre la fibromyalgie, les autre traitements consistuant des prescriptions « hors étiquette »
  • 2013 : Les thérapies comportementales cognitives pour le syndrome de fibromyalgie
    Conclusions des auteurs : Les TCC apportent un léger bénéfice incrémental par rapport aux traitements de contrôle pour réduire la douleur, les humeurs négatives et l’incapacité à la fin du traitement et lors du suivi à long terme. Les taux d’abandon pour une raison quelconque n’étaient pas différents entre les groupes de TCC et les groupes témoins.
  • 2013 : Efficacy and safety of meditative movement therapies in fibromyalgia syndrome: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials
    Un total de 7 études sur 117 avec 362 sujets et une médiane de 12 séances ont été inclus. Les thérapies méditatives ont réduit les troubles du sommeil, la fatigue, la dépression et amélioré la qualité de vie liée à la santé mais pas la douleur. Les effets significatifs sur les troubles du sommeil et la qualité de vie pourraient être maintenus au-delà de 4,5 mois après la fin du traitement. Dans les analyses de sous-groupes, seul le Yoga a abouti à des effets significatifs sur la douleur, la fatigue, la dépression et la qualité de vie à la fin du traitement. Le taux d’abandon en raison d’événements indésirables a été de 3,1%. Aucun événement indésirable grave n’a été signalé. Les thérapies méditatives sont sûres. le Yoga a eu des effets bénéfiques à court terme sur certains domaines clés de la FMS. Il y a un besoin pour des études de haute qualité avec des échantillons plus importants pour confirmer les résultats.
  • 2014 : Fibromyalgia, A Clinical Review
    Résultats : de nombreux traitements sont disponibles pour gérer la fibromyalgie, dont l’efficacité dispose de preuves de haute qualité. Ils incluent des thérapies non pharmacologiques (éducation, exercice, physique, TCC) et des thérapies pharmacologiques (tricycliques, inhibiteurs de la recapture de sérotonine norépinéphrine et les gabapentinoïdes).
    Conclusions et pertinence : la fibromyalgie les autres états de douleurs « centrales » sont bien mieux compris de nos jours que par le passé. La fibromyalgie peut être considérée comme un diagnostic à part enitère ou bien comme une constellation de symptômes caractérisés par une amplification de la douleur dans le système nerveux central, concomittamment à une fatigue, des problèmes de mémoire, des troubles du sommeil et des troubles de l’humeur. Des traitements efficaces de la fibromyalgie sont désormais possibles.
  • 2014 : Fibromyalgia and Physical Trauma: The Concepts We Invent
    Il n’existe pas de preuves scientifiques soutenant l’idée que des traumas physiques causeraient la fibromyalgie ; en particulier il n’existe pas de preuve (ou unique des preuves très faibles) que des accidents de la route pourraient causer une fibromyalgie. Dans certains cas rapportés dans les études sur le sujet, les effets précèdent même la cause. Les théories proposant que le trauma physique créerait un stress qui conduirait à une fibromyalgie sont non-prouvables et non mesurables.
  • 2014 : SP0125 Management of Fibromyalgia
    Nous pouvant supposer que les troubles du sommeil pourraient expliquer le développement de mécanismes anormaux de la douleur chez certains patients vulnérables. Nous savons que le seul de la douleur est significativement réduit en cas de réduction des ondes du seommeil lents et les études en IRM fonctionnelel ont montré une activité réduite dans certaines structures cérables liées à la douleur en particulier lors du sommeil lent. Des études de long-terme ont montré que des perturbations du sommeil peuvent être un risque majeur pour développer une fibromyalgie et des études polysomnographiques soutiennent l’hypothèse selon laquelle la fibromyalgie serait un trouble primaire du sommeil. Des architectures altérées du sommeil sont découvertes dans la plupart des études.
    Il existe des preuves que la fatigue du fibromyalgique est causalement liée aux troubles du sommeil. Suite au rétablissement du sommeil profond avec un traitement à base d’oxybate de sodium chez le fibromyalgique, la fatigue diminue ainsi que la douleur et d’autres symptômes. Les données actuelles soutiennent donc l’hypothèse selon laquelle la fatigue chronique et la douleur chronique chez le fibromyalgique résultent d’anomalies dans l’architecture du sommeil chez des patients psychologiquement vulnérables, ce qui conduit à un dysfonctionnement du système de régulation de la douleur.
    Ces données suggèrent que la gestion de la fibromyalgie devrait être multi-facettes. En plus des traitements physiques, comportements et psychologiques, les programmes de traitement doivent inclure une gestion active des pathologies du sommeil.
  • 2015 :  Fibromyalgie : où en est-on en 2015 ?
    Résumé : La fibromyalgie fait beaucoup parler d’elle et suscite encore débats et controverses en 2015. Pourtant, il n’est plus question de remettre en cause ce syndrome facilement reconnaissable (même si le diagnostic est aussi posé avec excès). Le modèle biopsychosocial permet de comprendre et de prendre en charge de façon plus globale toutes les maladies chroniques et évite la mise en échec des patients et des soignants. La fibromyalgie est un syndrome fréquent qui touche surtout les femmes qui rapportent des douleurs chroniques, diffuses, musculaires, tendineuses et/ou articulaires. Ces douleurs sont associées à des céphalées de tension, des troubles fonctionnels intestinaux, des symptômes génito-urinaires, des acouphènes, des douleurs de l’articulation temporomandibulaire, des paresthésies distales… On parle de troubles somatoformes, définis par des symptômes fonctionnels sans lésion tissulaire. Les critères diagnostiques de l’American College of Rheumatology (ACR 1990) se sont affinés en 2010–2011 et permettent désormais de mieux appréhender les symptômes dans leur globalité et leur sévérité. Les comorbidités émotionnelles et cognitives sont très fréquentes (troubles anxieux, dépression, catastrophisme, hypervigilance, manque de flexibilité, troubles de concentration et de mémoire…). La sensibilisation du système nerveux central est l’hypothèse physiopathologique la plus consensuelle. Les symptômes surviennent sur un terrain favorisant, apparaissent au décours de facteurs précipitants (éventuellement) et sont entretenus et/ou aggravés par des facteurs d’entretien. Différents traitements médicamenteux antalgiques classiques et psychotropes (antiépileptiques et antidépresseurs) ont montré leur efficacité. Des recommandations internationales actualisées sont disponibles. Elles font consensus sur la prise en charge qui doit être multimodale et faire appel à des traitements médicamenteux d’action centrale, associés à des approches psychophysiques et éducatives. L’éducation des patients, comme pour toute pathologie chronique, est donc indispensable.
    L’article complet peut être acheté pour 41,94 ¤. L’intérêt de cet article est qu’il est récent, en français et rédigé par 2 spécialistes français (sur Paris). Mais je ne l’ai pas lu et je ne sais pas ce que son contenu vaut.

Et voila ! Merci Google Scholar !