Rescrit fiscal pour mécénat : est-ce vraiment une bonne idée ?

Le rescrit pour dons aux oeuvres ? En ayant lu le site mécénat du ministère de la culture et le guide juridique et fiscal de l’Admical (association pour le développement du mécénat), je pensais qu’il était recommendé pour les associations de suivre cette procédure. C’est en tout cas ce que recommendent les impôts. Une association qui veut faire bénéficier ses mécènes et donateurs d’avantages fiscaux peut demander au préalable l’avis de l’administration fiscale : « pouvons-nous émettre des reçus fiscaux pour dons ? ». C’est ce qu’on appelle une procédure de rescrit fiscal.

Son intérêt est que, si le fisc répond oui, alors l’association peut se prémunir de cette réponse et est donc théoriquement protégée contre toute procédure de redressement qui viendrait par la suite contester l’intérêt général de ses activités. J’avais donc tendance à recommander aux associations pour lesquelles je travaille de faire cette procédure de rescrit pour avoir l’avis des impôts sur leur situation.

Cependant, j’ai récemment rencontré un avocat expérimenté et spécialisé en fiscalité des associations. Et j’ai été surpris de son conseil :  » Associations, évitez la procédure de rescrit pour dons ! « 

Il raconte l’anecdote d’une association qui oeuvre pour les malades du sida. Le fisc leur a répondu :  » Vous n’êtes pas d’intérêt général car vos activités bénéficient à un cercle restreint de personnes : les malades du sida « .

En effet, le droit dit que si on bénéficie à un cercle restreint de personnes, on n’est pas d’intérêt général. Mais cette conditino a surtout été pensée pour des organismes tels que des clubs fermés, syndicats (défense d’intérêt « corporatistes ») ou les associations d’anciens élèves d’une grande école (idem, réseau a priori fermé). L’intérêt particulier n’est pas l’intérêt général.

L’asso en question ne savait plus trop quoi faire et pouvait être scandalisée de la réponse du correspondant associations de son centre des impôts. Cet avocat les a donc rassurés : les réponses des impôts aux procédures de rescrit sont fréquemment fausses voire abusives. Après tout, l’administration fiscale a pour rôle de veiller à ce que l’Etat ait plus d’argent, pas à ce qu’il le jette par les fenêtres, alors on aurait pu s’y attendre, non ? Donc l’asso a continué à émettre des reçus pour dons, en s’énervant (ou en se réjouissant ?) d’avance à l’idée du scandale médiatique qu’entraînerait toute procédure de redressement les concernant : les impôts oseraient-ils prétendre publiquement qu’aider des malades ne relève pas de l’intérêt général ??? Ils n’ont bien sûr jamais été embêtés.

Bref, le rescrit semble être une arme à double tranchant :

  • si on obtient un « oui » ou une absence de réponse au bout de 6 mois (ce qui équivaut à un oui), on n’est protégé que dans la mesure où le contenu du dossier est suffisamment bien ficelé pour que le fisc ne puisse pas dire, plus tard : « oui mais votre situation actuelle ne correspond plus à 100% à celle que vous aviez décrite dans votre dossier » ; autrement dit, on a intérêt à avoir préparé le dossier avec un avocat (ou un expert-comptable compétent)
  • et si on obtient un « non », il peut s’agir d’une réponse abusive, ce qui n’est donc pas si rare ; mais alors on s’expose à un risque additionnel en cas de litige car le fisc pourra alors prétendre que l’on a émis des reçus malgré l’avis formellement négatif du fisc et donc avec une volonté manifestement frauduleuse, ce qui augmente l’enjeu du redressement.

L’idéal pour l’association semblerait donc d’avoir un avocat dans sa manche (ou un budget pour faire appel aux services d’un avocat ou encore expert-comptable compétent et sûr de lui) et de se fier uniquement à l’avis de celui-ci :  » Sommes-nous d’intérêt général aux yeux de la loi oui ou non ? « 

Si oui, alors inutile de faire un rescrit, d’avoir à attendre 6 mois et de risquer de se faire reprocher d’avoir une volonté de frauder le fisc (en cas de réponse abusivement négative de sa part). Si non, alors on sait à quoi s’en tenir et inutile d’embêter le fisc avec ça : on ne travaille pas pour l’intérêt général.

Petite précision : vous aurez compris en regardant ce blog que je ne suis pas juriste (IANAL, comme on dit chez les anglophones) mais juste un ingénieur qui découvre ce monde magnifique (mais un peu compliqué) qu’est celui du droit fiscal !

Conclusion : Associations, commencez par demander l’avis de votre expert-comptable. Et ne croyez pas que la procédure de rescrit est obligatoire. Au contraire, mieux vaut parfois (toujours ?) l’éviter !

Une réflexion au sujet de « Rescrit fiscal pour mécénat : est-ce vraiment une bonne idée ? »

Les commentaires sont fermés.