Mécénat open source

[J’ai la flemme de faire un nouveau billet alors je remets celui-ci à jour, en gras.] Ce lundi 13 octobre [puis, après report, ce lundi 20 octobre], Nicolas Sarkozy devrait rendre public le rapport « Plan Numérique 2012 » d’Eric Besson, le secrétaire d’Etat français en charge du développement de l’économie numérique. [Finalement, c’est Eric Besson qui a fait la présentation car M. Sarkozy était occupé par l’actualité de la crise financière]. L‘une des mesures phares consisterait [aurait pu consister] à faire bénéficier du régime fiscal du mécénat toute contribution aux logiciels libres. Cette recommandation reprendrait alors [aurait alors repris] celle formulée par Jacques Attali dans son rapport sur les freins de la croissance.

[Finalement, le gouvernement a préféré éliminé du rapport toute proposition relative aux logiciels libres, ce que je regrette, comme l’April.]

Si cette [une] recommandation [de ce type] est un jour traduite dans la loi (et il faut [on aurait pu] l’espérer), cela signifierait que toute entreprise distribuant sous licence libre les résultats de certains de ses travaux pourrait bénéficier d’une réduction d’impôt nette de 26,67% de la valeur de ces travaux (60% moins le surplus d’impôt sur les sociétés qu’il faudra alors payer sur la valeur de ce don) et un peu plus encore dans le cas des très petites entreprises (car l’impôt sur les sociétés y est plus bas). La valeur des contributions est habituellement égale à leur coût de revient (rémunération et charges sociales des développeurs, au prorata temporis), dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires de la société contributrice. Cette économie d’impôts est reportable sur 5 ans en cas de dépassement du plafond ou de résultats négatifs.

Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?

Le mécénat open source serait, à mon avis, une excellente nouvelle pour les communautés du libre puisque cela inciterait les sociétés utilisatrices et les sociétés de service à porter encore plus d’attention à l’importance de leur engagement open source et les encouragerait à partager davantage de leurs travaux. Mais ce serait aussi un bel espoir pour l’industrie française des services informatiques qui pourrait ainsi s’afficher en première place mondiale des pays soutenant le plus l’informatique libre. On pourrait même espérer que le dispositif soit étendu aux contenus libres, au cinéma open source, à la science libre, à l’architecture libre… Bref, ce serait une belle évolution de l’économie de la propriété intellectuelle.

Cependant, les SSII et certaines communautés du libre ignorent sans doute qu’elles peuvent dores et déjà se lancer dans le mécénat open source, sans attendre de nouvelle loi. En effet, la loi actuelle sur le mécénat impose « seulement », comme condition supplémentaire, que le projet open source soutenu par un mécène soit d’intérêt général. Un projet est d’intérêt général lorsqu’il est non lucratif (non commercial, à nette utilité sociale), à vocation philanthropique, humanitaire, éducative, scientifique, sociale, culturelle ou environnementale (etc.) et lorsqu’il est piloté par une organisation (par exemple une association) dont les véritables dirigeants ne sont pas rémunérés (gestion désintéressée) ou bien encore lorsqu’il s’agit d’un projet de recherche se traduisant par une thèse de doctorat.

C’est pourquoi j’ai créé une entreprise dont la vocation est de faire avancer les projets informatiques d’associations d’intérêt général en leur donnant accès au mécénat de sociétés de services informatiques.

L’important, à mes yeux et à ceux des SSII que je mobilise comme mécènes de ces associations, est que le projet soutenu ait un véritable impact social: qu’il change la vie de personnes en difficulté, qu’il rende efficacement le monde meilleur, bref que ce ne soit pas qu’un projet cool du point de vue technologique mais aussi du point de vue social, environnemental ou culturel. La loi actuelle sur le mécénat favorise déjà cela avec le mécanisme fiscal décrit plus haut. Et de plus en plus d’associations d’intérêt général appuient toute leur stratégie de croissance sur les technologies du libre, en tant que créatrices/contributrices du libre ou en tant que simples utilisatrices.

Bref, sans attendre le plan numérique 2012, communautés du libre et sociétés de services soucieuses de leur responsabilité sociale (développement durable) peuvent déjà se lancer dans l’aventure du mécénat informatique. Pour cela, elles peuvent s’appuyer sur l’effort fiscal consenti par l’Etat à travers la loi de 2003 sur le mécénat et… sur moi !